Chronique du temps exigu (51)
Être pape, cela ne doit franchement pas être de la tarte mais le devenir ne
doit pas être facile non plus. Déjà faut-il avoir la capacité de devenir vieux,
ce qui n’est pas donné au premier venu. C’est en regardant, contrairement à mon
habitude, le journal télévisé de la deuxième antenne française que j’ai appris
qu’un nouveau pape venait de se faire élire, provoquant une crise d’enthousiasme
chez le présentateur et les envoyés de la chaîne publique.Le journal de la « deux » est une nourriture spirituelle dont je me passe généralement avec facilité. En effet, il est semblable à ces agglomérats dont se nourrissent les habitués des restaurants « fast-food » à l’américaine. Ceux-ci proposent, entre deux morceaux de ce que l’on pourrait appeler pain, des couches successives de viande hachée reconstituée, de fromage de synthèse, de salade nitratée et de mayonnaise graisseuse. De même, entre deux couches d’autopromotion, le journal de vingt heures vous offre une à deux épaisseurs de prévisions météorologiques, un zeste de bison futé, une épaisse tranche d’information prédigérée et un hachis de reportages téléphonés. Il faut bien huit heures de sommeil pour digérer le tout.
Je parlais donc de l’enthousiasme des prédicateurs du service public qui n’ont pas tardé à présenter le nouvel élu comme le pape des pauvres, passant sous silence la manière dont il aurait traversé la période de la dictature argentine. Mais qui n’a pas eu, en soixante-dix-sept années de vie, ses petites vicissitudes ?
« Combien j'aimerais une Église pauvre et pour les pauvres», aurait dit le nouveau chef des catholiques. C’est pas gagné d’avance, répondrais-je… Déjà faudrait-il que l’Église de Rome se défasse de bon nombre de ses possessions – au sens matériel du terme – et ensuite faudrait-il aussi que les riches démissionnent de leur appartenance à cette église. Vaste programme.
Fort heureusement, les zélateurs de l’Église ont toujours su porter leur choix sur des pauvres de bon aloi, écartant avec discernement les pauvres qui se rebellent, qui dénoncent les abus des puissants et qui s’unissent pour améliorer leur condition. Un bon pauvre est un pauvre à genoux et qui prie. Un mauvais pauvre est celui qui dit : « les grands nous paraissent grands mais nous sommes à genoux ; levons-nous ! ».
On voit par là qu’il n’est pas plus facile de rester un bon pauvre que de devenir un bon pape.
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