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dimanche 7 avril 2013



Chronique du temps exigu (65)
Aujourd’hui, je vous livre tout d’abord un courrier qui m’a été envoyé, puis vous pourrez lire en deux épisodes la suite que j’ai donnée à cette missive.
« Cher PJRF, c’est avec une joie non feinte que je vois arriver votre feuilleton du jeudi et avec un plaisir non dissimulé que je consulte votre chronique dominicale.
Toutefois, je voudrais porter à votre attention une mienne constatation concernant vos géniales chroniques : en effet, vous vous gaussez tour à tour des riches, des sots, des agents du sévice public, des supporteurs de football et autres étrangers ; vous causez à l’envi du pape, des Roméos, d’hercule et des aréopages ; vous tancez à tour de bras tout ce qui grince, coince et tout ce qui dépasse ; mais vous ne parlez jamais, au grand jamais, de nous autres, les obscurs, les sans-grades, nous qui ne sommes ni beaux ni vilains, ni riches ni pauvres, ni sots ni esprits distingués, ni dieux ni maîtres et que sais-je encore ?
Pourriez-vous donc un jour pensez à nous, nous qui au bord du fleuve ne changeons jamais alors que l’eau du fleuve n’est jamais la même, nous pour qui les jours s’en vont et qui demeurons, les mal-aimés en quelque sorte. Nous, les médiocres, les sans-opinions, la cohorte  des invisibles…
Merci, merci, je sais que je peux compter sur vous, chroniqueur fidèle et exigu.
Ernesto Che Cussotile, de Caracapenata. »
Il y avait dans ce message une telle douleur, une telle détresse et un tel appel au secours que je me suis immédiatement senti interpellé. Après avoir été faire mes courses au supermarché et le plein de ma mobylette, je pris l’avion pour Gucheco. A l’aéroport, j’ai loué à une petite friponne une petite voiture nippone et je pris la route pour Caracapenata. Autant le dire tout de suite, les alentours de Gucheco sont semblables à ceux de nos aéroports, les mêmes zones industrielles et commerciales, les mêmes magasins de meubles et de voitures, les mêmes restaurants fast-food.  Je pris donc la route de Caracapenata, une morne voie à quatre bandes, giratoires ici et là, mornes aires autoroutières garnies de mornes touristes plurinationaux. C’est à vingt kilomètres du but que tout change. Plus de publicités au bord des fossés mais des prés avec des fleurs, des couleurs vives et renouvelées, des maisonnettes aguichantes et aussi la route qui devient folâtre, quelques nids de poule et quelques brebis errantes agrémentent le paysage. L’arrivée à Caracapenata est un régal de couleurs et de formes diverses, des enfants et des jeunes filles et le soleil éclairent le paysage de sourires éclatants et rieurs, de nuances bariolées et de parfums enivrants. Des poules bigarrées et des moutons ocrés flânent et émaillent le trottoir de fientes moulées et de petites billes d’un noir brillant, des lamas zains toisent les passants et des chevreaux capricieux bêlent en sautant. Du linge multicolore sèche devant les fenêtres, des charrettes chargées de fruits, de fleurs et de légumes circulent en cahotant. On s’interpelle, on se bouscule, toujours dans la bonne humeur et la convivialité. Les maisons sont anciennes et décrépies mais sentent la bonne cuisine et la joie de vivre. Les caniveaux ruissellent d’une eau douteuse qui rafraîchit l’atmosphère. Je m’assis à la terrasse d’un café où je dégustai une fraîche anisette en devisant avec des inconnus joyeux et débraillés.
(la suite dimanche prochain...)

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