"Où l’on reparle de Fortunio.
Nombreux sont celles et ceux qui se demandent ce que
Fortunio a fait de son magot. Pour le reste, on sait très bien que René-la-Science
et Magali ont raflé la mise. Mais Fortunio ? Qu’a-t-il fait de son
or ? L’a-t-il planqué à Marmande, au milieu des champs de tomates et de
patates ? L’a-t-il monnayé et a-t-il placé l’argent dans du défiscalisé ou
du père-de-famille ? Cela n’est pas simple de garder un tas de pièces d’or
par devers soi.
« Les gens qui pensent que tout est facile, ce sont
toujours de vieux fossiles, ce sont des hommes de Cro-Magnon… » et
Fortunio est un gros mignon ! Un joli poisson à pêcher…
Bien sûr, il a raconté l’histoire de René-la-Science,
l’histoire de Michel et Magali, on ne peut pas lui reprocher d’avoir passé sous
silence ce qui s’est passé par la suite. Car il s’en est passé des choses par
la suite, mais avec d’autres protagonistes. C’est une autre affaire et notre
Fortunio n’allait pas se vanter de ce qu’il lui est arrivé. Peut-être n’en
parlera-t-il jamais. Ou peut-être arriverai-je à le faire parler, autour d’un
cubi de rouge et d’un sauciflard."
Voilà ce que je vous disais le 25 juin (et non le 28) et je ne m'étais pas trompé car j'ai réussi à le faire parler, ce sacré Fortunio ! Voici le début de ce qu'il m'a raconté avec en exergue un extrait de poème :
On aimerait pouvoir
effacer
Certaines scènes du passé
On aimerait pouvoir effacer
Certaines rencontres du passé
On aimerait avoir la possibilité
De pouvoir tout recommencer
Comme un livre mauvais Qu’on aimerait fermer à jamais
Certaines scènes du passé
On aimerait pouvoir effacer
Certaines rencontres du passé
On aimerait avoir la possibilité
De pouvoir tout recommencer
Comme un livre mauvais Qu’on aimerait fermer à jamais
(avec l’aimable autorisation de Corinne MOLINA)
Le magot de Fortunio
Il y a des jours où l’on voudrait n’être pas né. Des jours
où l’on voudrait pouvoir tout effacer et tout recommencer, comme sur un tableau
noir. Ou bien dire pouce, je redouble la classe.
Mais dans la vie, on n’est plus à l’école. Plus de maître à
qui on pourrait dire la prochaine fois je le ferai plus, la prochaine fois je
ferai mieux. Dans la vie, quand on a fait une connerie, on paye comptant. Et on
paye d’autant plus cher qu’on est de bonne foi, qu’on a cru bien faire, qu’on
n’a pas voulu s’en mettre plein les poches.
Moi, je n’ai pas truandé, j’ai juste voulu défendre la
presque veuve sans orphelin. La prochaine fois, j’y regarderai à deux fois
avant de jouer le chevalier blanc.
A trente-cinq ans, j’ai (j’avais ?) un boulot dur mais
qui marche bien. J’ai (ou avais-je ?) une petite entreprise de maçonnerie
en pleine croissance.
J’ai investi dans du bon matériel, ma clientèle est en
expansion, mon carnet de commandes est plein.
J’ai embauché deux ouvriers, pas des glaires, non, des gars
qui veulent et qui savent travailler. J’ai pris un apprenti, on sait ce que valent
les apprentis mais avec deux gars comme les miens, ce jeune est bien obligé de
suivre.
J’ai une maison que je retape pendant les périodes creuses,
j’ai abandonné mon projet de maison neuve, on verra plus tard. J’aime bien
cette vieille maison, pourquoi en vouloir une neuve ?
Pas un centime de dettes avec tout cela, rien que du cash. Et
de la trésorerie en banque.
Tout cela grâce à mon magot. Oui, mes pièces d’or, je ne
sais pas si vous le savez mais j’avais ramassé un joli petit pécule en
napoléons, des vingt francs-ors. Je raconterai un jour cette histoire dans un
bouquin mais qui s’en souviendra ?
Toujours est-il que ce magot m’a porté chance. Je n’ai vendu
aucune de mes pièces, je suis toujours assis sur mon tas d’or, comme un avare.
Mon or, c’est mon talisman. Je sais qu’il est là, il me protège et me donne la
force et le courage d’aller de l’avant, de foncer. Mon or, c’est mon parachute
doré, mon terrain d’atterrissage et ma garantie. Je suis le seul, ou presque, à
savoir qu’il existe et certainement le seul à savoir où je l’ai planqué.
Un magot comme cela, on ne le laisse pas à l’air libre, il
ne lui faut pas trop d’oxygène et pas de regards concupiscents non plus. Il
faut qu’il brille dans le noir. Ne comptez pas sur moi pour vous donner le
moindre indice.
Et alors, de quoi je me plains ? J’ai du boulot, la
santé, la maison et le fric. Et pourtant, je voudrais reprendre à zéro. En fait
non, pas tout reprendre à zéro, juste revenir un peu en arrière, avant que je
ne la rencontre.
Oui, si je me plains, c’est parce que je me suis mis dans la
mouise, ou même carrément dans la merde, devrais-je dire. Il vous est déjà
arrivé d’aller en taule ? A moi, cela ne m’était jamais arrivé, je ne
savais pas ce que c’était et je n’en avais aucune idée. Maintenant, j’y suis.
Et sans savoir quand j’en sortirai. En préventive, l’instruction suit son
cours. Et le cours d’une instruction, ça dépasse rarement le mur du son.
Personne ne vous dit rien et vous pourrissez dans une cellule sans savoir si
les jours passent et si qui que ce soit pense à vous hors les hauts murs de la
prison.
Comment fait-on pour en arriver là ?
Cherchez bien, que manque-t-il dans ce tableau merveilleux
que je vous ai dépeint ? Si je suis dans le pétrin, aucune hésitation,
cherchez la femme dit l’adage policier. Oui, parce que dans toute cette
histoire : pognon, maison, santé, magot, tout y est mais pas de
femme ! Et c’est quand Angelina est arrivée que cela a mal tourné.
Angelina, Angie pour les intimes, avec un nom pareil on
n’est pas loin du paradis… mais du Capitole à la roche Tarpéienne et du paradis
à l’enfer…faute de pouvoir rembobiner une partie de ma vie, je vais quand même vous raconter comment c’est arrivé.
(à suivre...)
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