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dimanche 15 décembre 2013

Chronique du temps exigu (90)

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».
Lorsque Lamartine écrivait cela, il ne pensait pas que, plus de cent-cinquante années après, Nelson Mandela le démentirait.
En effet, il a suffi que sa disparition soit annoncée pour que l’on voie surgir de partout des personnages (que l’on avait parfois un peu oubliés) ayant leur mot à dire le concernant. Des présidents en exercice ou non, des ministres et des secrétaires d’Etat en activité ou potentiellement ministrables. On ne voit qu’eux sur les écrans et ils se précipitent vers l’Afrique du Sud pour se montrer dans le défilé des vertueux, des démocrates et des généreux.
Tous les pays n’ont pas la chance de faire mourir un grand homme régulièrement afin de créer cet unanimisme de façade qui fait tant plaisir à nos présentateurs de télévision. L’Afrique du Sud elle-même vient d’utiliser avec brio ce joker mais on peut penser que le successeur du grand homme reprendra ses activités conjugales, pharmaceutiques et politiques comme précédemment, dès que l’émotion collective sera retombée.
De nombreux pays de par le monde vivent en état de discorde récurrente. La Tunisie, l’Egypte, l’Ukraine par exemple mais aussi la France où, depuis l’instauration du quinquennat, la droite et la gauche se disputent le pouvoir, où la droite de la droite crie haro sur la droite quand elle est au pouvoir et aux chiottes la gauche quand elle est aux commandes, où la gauche de la gauche hurle à la mort sur la droite, sur la droite de la droite, sur la gauche, sur la gauche de la gauche de la gauche, que celles-ci soient ou non au pouvoir. Bien sûr, il n’y a pas partout des Mandela et, quoiqu'il en soit, ce dernier lui-même ne pouvait mourir qu’une seule fois mais tous ces pays pourraient étudier la possibilité de sacrifier de temps à autre un politicien sur l’autel de la réconciliation. Il ne manque pas de gens fort décriés dont on s’empresserait de faire, sinon des martyrs – gardons-nous de toute exagération –  tout au moins des héros antiques sitôt qu’ils seraient passés de vie à trépas. Et, en admettant qu’on craigne de se priver de l’élite pensante de la nation, on pourrait même proposer à l’un ou l’autre de faire comme l’un de nos anciens ministres de l’Intérieur qui, suivant un exemple célèbre, ressuscita et nous fit la surprise de revenir bon pour le service. On pourrait commencer par un essai, un ou une autre ancien(ne) ministre de l’Intérieur par exemple (suivez mon regard…) pour voir combien de temps peuvent durer les chœurs unanimes des chantres de la concorde post-mortem. En imaginant une durée de six mois (on chargerait les médias de diluer la sauce louangière), on pourrait s’accorder entre trois et six mois de latence pendant lesquels on reprendrait la discorde politique avant d’en immoler un ou une autre et de repartir pour six mois d’oraisons funèbres à la gloire du défunt.

On voit par là qu’accessoirement on résoudrait aussi et pour partie le problème du financement des retraites.

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