La marche à pied est-elle un mode de déplacement, un moyen de locomotion, un sport, une religion ? Ou fait-elle tout simplement partie de la vie comme respirer, boire, manger ?
Je tombai assez malencontreusement l’autre jour sur un sondeur et je cite une partie de notre entretien :
Le sondeur (voix grave) : - pratiquez-vous un sport ?
Le sondé (moi, mezzo voce) : - aucun.
Le sondeur (voix grave mais enjôleuse) : - Pratiquez-vous des activités physiques régulières ?
Le sondé (moi, mezzo voce, hésitando) : - La marche à pied, cela vous va ?
Le sondeur (voix grave, lourde de reproches) : - Mais alors, vous pratiquez un sport !
Le sondé (moi, mezzo voce) : - Vous pensez ?
Le sondeur (voix grave, impératif) : - Bien sûr, puisque c’est marqué sur mon papier !
Le sondé (moi, mezzo voce, reculando) : - Alors, d’après vous, je pratique un sport ?
Le sondeur (voix grave, impératif, rinforzando et concluando) : - Bien sûr, puisque mon formulaire le dit !
Ainsi, par la magie de l’administration des statistiques, me voilà réduit au rang de sportif ordinaire. Moi qui pensais en marchant le front haut et le pied altier faire une simple activité où l’on met un pied devant l’autre, une activité dont la lenteur permet la réflexion, l’émerveillement et un déplacement à vitesse modérée, une activité pour tout dire apprise dès la sortie du berceau… si mes parents avaient eu conscience qu’ils faisaient de moi un sportif en m’apprenant à marcher !
Car, en effet et par exemple, cela n’est pas parce que l’on a appris à parler que l’on est un intellectuel. Ce n’est pas parce que l’on a appris à compter que l'on est un scientifique. Ce n’est pas parce que l’on a appris à écrire que l’on est un écrivain. Cela se saurait et nous pourrons bientôt le vérifier en lisant les éventuelles professions de foi des candidats aux élections municipales !
Donc, révoltons-nous, marcheurs à pied ordinaires ! Refusons d’être assimilés à tous ces sportifs qui exigent des stades luxueux, des installations pharaoniques, des routes et des moyens de transport pour aller pratiquer leurs louches activités ainsi que des retransmissions en direct et en différé de leurs vénales apothéoses.
Marcheurs à pied, continuons à avancer en nous hâtant lentement, en regardant la nature en face, dans la gratuité du promeneur adonné à ses rêveries !
On voit bien par là que nous ne nous laisserons pas marcher sur les pieds.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire