-
Volontiers,
mais tout est vrai dans ce que je viens de raconter, réponds-je.
-
Je
commence à penser qu’avec toi, il faut croire l’incroyable et oublier tout le
vraisemblable, clame Léon.
-
Mais
c’est pas tout ça, reprends-je. On y va quand, chez le Benledek ?
-
J’avais
commencé à l’oublier, celui-là. T’es pas pressé d’y aller, tout de même ?
-
Si
je suis venu ici ce matin, c’est pour y aller le plus vite possible. Il faut
deux bonnes heures pour y aller, il est déjà neuf heures et demie. Le temps de
se mettre en route, on n’y sera pas avant midi, midi et demie. Une heure, une
heure et demie le temps de se morfaler une pizza en chemin. On cueille le gonze
à l’heure de la sieste et il nous raconte tout ce qu’il sait sous hypnose…
c’est pas beau, ça ? Et on est de retour avant dix-huit heures, je vous
claque la bise et vogue la galère !
-
La
galère, je crois que c’est le mot juste.
-
Léon,
mon vieux Léon : t’ai-je jamais flanqué dans une galère ? Tu te
souviens pas du pinard qu’on a ramené de Sarignac ?
-
Là,
tu peux la fermer. Si je ne m’en étais pas occupé, t’aurais tout laissé sur
place et même les pompiers n’auraient rien retrouvé à picoler. J’ai sauvé ce
qui pouvait l’être, finalement. Bien, si j’ai bien compris, tu ne nous demande
pas notre avis alors je vais donner le mien : primo, ta caisse, une fois
de plus, manque de discrétion. J’ai là une Laguna, propriétaire au-dessus de
tout soupçon, c’est notre affaire. Ensuite, pas d’armes, pas de violences
inutiles, du concret, rien que du concret. C’est Esther qui nous dépose dans
les environs de chez ton baveux, on arrive chez lui à pied. Pour le reste,
c’est toi qui pose les questions, c’est toi qui sait ce que tu cherches. Ma
brosse à dents et je suis prêt !
Il
se lève, Esther part se changer et en moins de temps qu’il n’en faut à un
premier ministre pour pondre un décret réformant le collège, nous sommes dans
la Laguna précitée, direction Muret. C’est un endroit qui ne plait guère à
Léon, faut dire qu’il y a une centrale à Muret. Une prison centrale pour ceux
qui ont du mal à comprendre…
L’air
est pur, la route est large, le clairon sonne la charge et nous sommes dans les
environs de Moretun à treize heures quinze. Léon passe le volant à Esther, nous
entrons dans le patelin et elle nous dépose à trois-cents mètres de la rue
Legris où est censé habiter notre avocat. Il habite une de ces petites maisons
étroites et en hauteur avec une porte d’entrée sur la gauche et une fenêtre qui
donne sur la rue. Le numéro 62, une sonnette avec le nom de notre gus. Je
sonne. Nous nous sommes collés contre la façade de sorte qu’on ne puisse nous
voir depuis une fenêtre, qu’elle soit du rez-de-chaussée ou de l’étage. Le
temps passe, on n’entend rien. Je sonne à nouveau, deux coups impératifs. On
entend comme un glissement de savates et une voix demande : « qui
c’est ? ». « C’est moi » réponds-je judicieusement. La
porte s’entrouvre, maintenue par un entrebâilleur. Je vois juste un gros pif
jaunâtre surmonté de deux yeux globuleux qui me demande à qui ai-je l’honneur.
-
Maître
Benledek, je présume ? stanlé-je en français correct.
-
Lui-même,
livingstone mon vis-à-vis.
-
Pourriez-vous
me recevoir, c’est urgent, reprends-je.
-
Je
ne reçois pas ici, monsieur, il faut prendre rendez-vous par téléphone…
Je
sens une poussée latérale venue de mon ami Léon et je me mets de côté. Bien m’en
prend car, d’un grand coup de tatane, celui-ci ouvre en grand la porte de
l’avocat. Sous la poussée, les vis qui tiennent l’entrebâilleur s’arrachent,
emportant un morceau du chambranle. Le nez de l’homme de loi semble aussi avoir
souffert du traitement, quelques gouttes d’un liquide grenat perlent sur ses
lèvres épaisses. Nous pénétrons dans une étroite entrée, Léon a chopé Benledek
par les épaules et le pousse vers une pièce au bout d’un étroit couloir. C’est
une sorte de petit boudoir où il installe rudement notre interlocuteur sur un
sofa et, le tenant par la gorge, lui explique :
(à suivre...)
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