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jeudi 1 octobre 2015

Le cabot de Fortunio (65)

Je comprends qu’il vaut mieux déballer toute l’histoire. Cela prend du temps mais mon auditoire est captivé. Une fois terminé, Léon intervient :
-          C’est pour nous raconter tout cela que tu es venu ici ? Ça m’étonnerait !
-          Tu as tout compris. Je compte aller secouer le prunier à l’avocat libanais et c’est un travail que je préfère ne pas faire seul. Il me faut quelqu’un de beau, fort, intelligent et perspicace : la seule personne au monde qui possède toutes ces qualités…
-          C’est pas moi, coupe-t-il vivement.
-          Ecoute-moi, Léon : je compte sur toi pour m’empêcher de faire une connerie car j’ai une furieuse envie de l’étrangler, cet avocat. Tu peux comprendre ça ?
-          Je peux comprendre, certes, mais quand tu l’auras étranglé, tu fais quoi mon pote ?
-          Justement, c’est là que tu interviens. Moi je dis que je vais l’étrangler et toi tu négocies, tu lui dis : si vous ne causez pas, mon pote va vous étrangler, je pourrai pas le retenir…
-          C’est bizarre avec toi. T’es plutôt du genre réfléchi d’habitude mais quand il s’agit d’histoires de gonzesses, tu fonces d’abord et tu réfléchis après… enfin si tu réfléchis !
-          Si tu veux mais es attal et c’est pas autrement. Alors je te dis : tu en es ou tu en es pas ?
-          Et moi dans cette affaire, je compte pour rien ? demande Esther.
-          Pardonne-moi si je m’excuse, Esther mais c’est quand même une affaire d’hommes…
-          Excuse-moi si je te pardonne pas mais tu vas retirer cela vite fait. De toute façon, si Léon en est, j’en suis moi aussi, on sera pas trop de deux pour te surveiller.
Là, je comprends qu’elle vient de dire banco, on y va. Sacrée bonne femme cette Seccotine, elle a pas l’air mais c’est vrai qu’elle travaille dans l’univers carcéral, faut le faire. Je jette un œil sur Léon, il a l’air un peu désemparé lui qui a l’habitude de rechigner avant de tirer sur le collier. Il change brutalement de conversation :
-          Et tu as un clebs maintenant ?
-          Si je commence avec ça, on n’a pas fini, c’est vous qui voyez…
-          Nonobstant et quoiqu’il en soit, t’as déjà commencé à nous pourrir la matinée alors continue !
-          Ben, merci pour la pourriture mon salaud…
-          Vous avez pas fini vos manières à la con ! intervient Esthertine. Raconte ton histoire de chien et d’abord, comment s’appelle-t-il encore ?
-          C’est elle, elle s’appelle Flèche, dis-je.
-          Drôle de nom pour un clebs, dit Léon.
-          Si j’avais un paon, je l’appellerais Léon, connaud ! Mais c’est une chienne et elle est arrivée comme soufflée d’une sarbacane.
-          On croyait savoir tout sur l'amour/Depuis toujours,/Nos corps par coeur et nos cœurs/
Au chaud dans le velours./Et puis te voilà bout de femme,/Comme soufflée d'une sarbacane.
reprend Léon.
-          Ah Cabrel ! Toute une époque… Finis les matins paupières en panne,/Lourdes comme des bouteilles de butane,… continué-je.
-          Bon, les anciens cons battus, ça ira comme ça, coupe Seccotesther.
-          Tu as raison, soyons sérieux, dis-je.
Je raconte l’histoire de la bagnole au milieu de la route en pleine nuit, les pompelards, la maison Sameli et tutti quanti, en passant par la gonzesse qui n’avait plus de nom et les lavatories de Bergerac. Entretemps, Léon a pris le temps de nous refaire un pot de café et Esther reste pendue à mes lèvres.

-          Café, boss, après une histoire pareille ? me demande Léon, brandissant sa cafetière.
(à suivre...)

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