Chronique du temps exigu (4)
S’il est une heure fragile et délicieuse, par tous temps,
elle est au petit matin. Le soleil plisse encore les yeux et la rosée
s’épanouit. A cette heure où blanchissait la campagne, je me trouvais à
arpenter d’un pas distrait la pelouse d’un terrain de foot. Au point de
penalty, dans l’éclat de la rosée, se dressait, frêle et mamelonné, un petit
champignon dénommé marasme d’oréade. Je me mis à rêver. Hier soir encore, les
stades grondaient de la fureur des hommes, de sifflets stridents et de
trompettes patriotiques. Car le sport est national comme l’embarras est
gastrique, par un attachement viscéral.
Au coup de sifflet final, les virils mollets rentrèrent au
vestiaire, lentement la foule quitta les stades, les postes de télévision
s’éteignirent et les sportifs en pantoufles vidèrent leur vessie avant de finir
d’éructer quelques boissons fermentées au creux de leur lit. C’est alors qu’une
douce oréade, nymphe des bois et des montagnes, partit effleurer le doux gazon
abandonné et posa là son marasme de déesse délaissée.
Au petit matin, je suis là et contemple la tristesse qui
l’accabla dans la nuit. O sylphe, fils du matin qui se lève, console
cette douleur érigée. Et vous, farfadets, lutins, dracs et elfes, amusez-vous
sans compter, dansez et jouez pour lui redonner sa joie de vivre.
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