Chronique du temps exigu (32)
Il n’y a pas que la ponctuation qui souffre, il y a aussi les
tortures infligées aux mots ; en effet, il suffit d’écouter les
présentateurs de radio ou de télévision pour le constater. Je prendrai pour
premier exemple le mot périple qui, au départ et par étymologie, signifie
circumnavigation et qui est couramment utilisé pour parler de voyages
terrestres. Même d’éminents lexicologues tolèrent cette acception, il faut bien
vendre du dictionnaire que diable !
Le mot « télévision » est déjà un barbarisme puisque
composé d’une tête grecque et d’une queue latine et ceci prouve que ce média
était condamné dès le départ mais je m’en voudrais de fustiger les seuls
audiovisuels alors que les scribouillards ne sont pas en reste envers leurs
collègues babillards. La presse de province, en particulier dans ses pages
sportives, est une mine d’utilisations abusives de notre malheureux lexique.
Emile Littré, éminent lexicologue, aimait les mots, bien sûr,
mais également les amours ancillaires. Un jour, sa femme le trouva couché avec
une domestique : « Ah, Émile, je suis surprise! » dit l'épouse
trompée. « Non, madame, rectifia ce spécialiste des nuances du
vocabulaire; vous, vous êtes étonnée et c'est moi qui suis surpris... ».
Je vous propose donc un mot en ce jour de repos et ce mot
est : mogigraphie. Je n’ai pas dit : mogilialisme, non car cela est
bien différent. Je ne vais pas proposer une pinte de bière tiède au premier ou
à la première qui aura trouvé la signification de ce mot car il n’est pas simple de faire parvenir ce
genre de lot par la poste. Donc, la mogigraphie est la crampe de l’écrivain et
vous aurez compris que c’est ce qui m’inquiète, surtout lorsque ce genre de
crampe atteint le cerveau. Etre trahi par son poignet est une chose, avoir sa
pensée au bord du claquage en est une autre. Quant au mogilialisme, c’est une
manière élégante de nommer le bégaiement et cela n’a donc rien à voir avec la
tenue du porte-plume.
Nous verrons dans les semaines qui viennent si j’arrive à
surmonter cette mogigraphie et si nous pouvons trouver d’autres mots à sauver
de la torture.
On voit par là qu’il faut du poignet pour sauver les mots.
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