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jeudi 11 septembre 2014

Le cabot de Fortunio (10)

A ce moment, une porte s’ouvre, du côté des bureaux, et une dame avec un chapeau un peu ridicule interpelle la préposée.
-          De quoi s’agit-il, Annie, vous enregistrez un chien ? C’est vous qui portez ce chien ? dit-elle en nous regardant successivement.
-          Monsieur est envoyé par la gendarmerie de Marmande, ils ont trouvé ce chien, répond l’Annie en question avec un peu d’agacement.
-          Envoyé par la gendarmerie ? Ils disent tous cela en venant se débarrasser de leurs animaux…
-          Pardon, madame, dis-je, j’ai un document d’accompagnement et ce chien ne m’appartient pas…
-          C’est cela, oui, et c’est nous qui avons les animaux sur les bras, vous êtes vraiment bien content de vous en débarrasser, coupe la mégère avec rudesse.
-          Madame, dis-je avec emphase, seriez-vous une bénévole ?
-          Oui, monsieur, et on commence à en avoir…
-          Madame, la coupé-je en haussant le ton, je me disais bien que vous n’êtes pas payée pour faire chier le monde mais que vous le faites bénévolement.
-          Monsieur, je ne vous permets pas de…
-          Je n’ai nulle besoin de votre permission, Madame Vieille Guenon, et je ne vous salue pas. Au revoir, mademoiselle Annie, c’était un plaisir de vous rencontrer !
Et, laissant la chapeautée interloquée, je me dirige dignement vers la porte, je sors et referme derrière moi. Je regrette de partir ainsi sans avoir dit au revoir au clebs. J’arrive à ma fourgonnette quand j’entends la porte s’ouvrir : c’est Annie qui m’interpelle pour me signaler que je n’ai pas signé la décharge. J’hésite à revenir sur mes pas lorsque je vois arriver la matrone que je viens d’affubler d’un nom de singe. Elle reste sur le pas de la porte, la bouche ouverte et je suppose qu’elle veut m’asséner un lot de vérités premières mais aucun son ne sort de sa bouche. Et, profitant de ce moment de flou, mon cabot fonce entre les jupes de la mégère et se précipite vers moi, tout joyeux. J’ouvre la porte du véhicule et il s’engouffre aussitôt à l’intérieur.
-          Eh bien voilà, plus besoin de décharge, déclaré-je en mimant le salut du mousquetaire balançant son large chapeau à plumes. Au plaisir, Mesdames !
Je me mets au volant et démarre tranquillement sous les yeux des chenillères départementales. Je ne suis pas plus fier que cela de mon esclandre mais cette vieille orchidoclaste, avec son arrogance, m’a obligé à faire ce que je voulais faire : repartir avec le clébard. Ce n’est pas que j’aie envie d’avoir un chien mais il me semble que c’est lui qui m’a adopté, ou plutôt que nous étions faits pour nous rencontrer, d’une manière ou d’une autre. Voilà qui est bel et bien, je ne sais pas si ce chien est vacciné, truc chose ou machin car en la matière, je n’y connais que dalle. Bon, en plus, il se fout à aboyer maintenant comme s’il se sentait chez lui dans ma bagnole.

Je m’arrête à la coopérative pour lui acheter un sac de croquettes, un collier, tout le bataclan qui va avec, gamelles et patin couffin. Voilà Mirza, pardon Flèche, montée en ménage. Cela réglé, je passe voir un client à Saint-Léger. En arrivant, j’ouvre la porte arrière et voilà Flèche qui se transforme en molosse et se précipite en aboyant sur mon client, plutôt surpris. Impossible de la calmer et je lui enjoins donc de remonter dans la fourgonnette, ce qu’elle refuse tout autant. Je tente de l’attraper par son collier tout neuf, elle me grogne dessus et se met à tournoyer dans la cour du client. Il ne me reste qu’une solution, mimer mon départ. Dès qu’elle entend le moteur tourner, elle saute dans le véhicule auquel je fais faire un bond en avant suivi d’un brusque coup de frein, ce qui a pour effet de fermer la porte arrière. Je peux redescendre et saluer dignement mon client.
(à suivre...)

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