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jeudi 4 août 2016

René-la-Science (9)



Sylvie éclata de rire, elle continuait néanmoins son travail. Elle avait de belles mains fines et agiles avec lesquelles elle arrangeait avec goût les fleurs. Elle était encore plus jolie ainsi au milieu du bouquet chatoyant.
— Alors dites-lui tout de suite que je laisse !
— Je sais, c’est un peu déplaisant cette sorte d’ultimatum, mais comprenez aussi que c’est un homme vraiment amoureux qui a dit cela…
Je ne me sentais pas très à l’aise dans ce discours auquel j’adhérais peu. Heureusement, Sylvie m’interrompit vivement :
— Arrêtez, vous allez me faire pleurer ! Je l’aime bien, moi, mon petit Michel, mais je n’ai jamais envisagé de quitter Roger, mon mari, pour vivre avec lui. Vous ne le connaissez pas, il est très gentil, mais c’est un traîne-patins. Il lui manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc. Et sa compagne, Magali, qu’est-ce qu’elle devient dans tout cela ?
— Il parait que tout est fini entre eux, ils seraient sur le point de se séparer…
— Admettons, mais ce n’est pas lui qui va nous faire vivre, mes filles et moi. Il va nous trouver une maison, ah oui, un trou à rats comme la maison de cette nuit ! Et après, de quoi on vit ? Les filles, elles font comment pour l’école ? Non, croyez-moi, dites-lui de s’en tenir là, en plus s’il insiste, Roger est capable d’aller le trouver et de lui en faire passer l’envie. Disons les choses clairement, monsieur, monsieur comment au fait ?
— Fortunio.
— Monsieur Fortunio ? Amusant comme nom, ou comme surnom peut-être… Disons donc les choses clairement, Michel sait que je ne suis pas éperdument amoureuse de mon mari, et c’est peu dire. Mais ce n’est pas pour autant que je vais demander le divorce. D’accord, Roger est un ours et un inculte, mais nous avons eu deux enfants ensemble et je tiens à ce que mes filles vivent correctement. Et puis, c’est leur père à elles et si moi je ne l’aime pas trop, elles oui. Je ne vais pas m’amuser à tout casser pour les beaux yeux de Michel.
— Votre mari m’a semblé quand même un peu… brusque, pour ne pas dire violent ?
— Vous savez, si on sait le prendre, il n’est pas pire qu’un autre ! Mais vous le connaissez ?
— Non, je l’ai juste vu de la fenêtre hier soir.
— Parce que vous étiez dans la maison cette nuit ?
— Oui, j’avais l’autorisation du propriétaire de la maison, moi. Je dormais à l’étage.
— Et qu’est-ce qui vous a réveillé ?
— Vos soupirs, Madame, je me dois de vous l’avouer.
— Vous pouvez m’appeler Sylvie, Monsieur Fortunio, je pense que vous avez entendu des choses très intimes. Et avez-vous assisté à mon départ ?
(à suivre...)

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