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jeudi 2 avril 2020

Appelez-moi Fortunio (60)

Il aide Daniel à se relever et passent dans le bureau. Daniel appelle, la sonnerie sonne longtemps avant que quelqu’un ne décroche. Après, Daniel parlemente longtemps avec le standard, puis avec le pavillon, tantôt pleurnichant, tantôt râlant. Mais rien à faire, aucun personnel de garde n’accepte d’envisager son retour. A la fin, épuisé, Daniel raccroche. Il va se chercher des cachets et se réinstalle au salon, devant la télévision. Un quart d’heure plus tard, il s’endort.
Albert, pensif, se réinstalle dans son fauteuil mais il n’arrive pas à se remettre à sa lecture qui l’avait pourtant passionné. Il a comme l’impression d’être devant un puzzle dont il lui manquerait une pièce. A moins qu’elle ne soit devant lui mais qu’il ne la voie pas.
Soudain, il lui semble percevoir une lueur dans le parc. Il se lève et se poste de manière à voir à l’extérieur sans en être vu. Il sent cette fois ses cheveux se dresser sur sa tête, la même apparition se promène lentement, par saccades, dans le parc. La forme s’allonge vers le haut, se tasse ensuite, c’est bien une dame blanche, elle a une longue chevelure blonde et une robe qui ressemble à de la mousseline. Puis la forme hiératique disparaît lentement, comme aspirée dans le bois. Cela a duré à peine une quinzaine de secondes mais il l’a bien vue de ses yeux ! Et, pour faire bonne mesure, voilà que cela recommence dans le grenier : toc… toc… toc…
Il monte rapidement l’escalier jusqu’à la porte du grenier. Le bruit s’est arrêté mais il entend une sorte de grincement. Malgré sa curiosité, Albert redescend, perplexe, sans entrer dans le grenier. Il ne peut pas se dévoiler, il est censé rester incognito dans ce château.
En son for intérieur, il pense : un point partout, la balle au centre !
 Etrange situation, il va dans le bureau et, avec sa petite lampe de poche, il cherche dans le cabinet de curiosités une petite amulette qu’il avait déjà repérée. Il la trouve et va l’examiner dans la cuisine. D’après lui, ce serait un talisman aux vertus apotropaïques dont il avait déjà vu une description au fil de ses lectures diverses. C’est un gri-gri d’un métal indéfinissable et il se porte en scapulaire, il ne saurait en donner la provenance, probablement africaine. Mais c’est vaste, tout un continent… Il le serre entre ses deux paumes pour sentir le magnétisme de l’objet. Il ne sait pourquoi mais il se passe le cordon autour du cou. Dans les circonstances actuelles, pense-t-il, même si cela ne me protège pas, cela me rassure…
Il se sent bien plus apaisé et retourne dans son fauteuil pour achever son livre. Daniel ronfle dans son fauteuil, la télé allumée avec le son en sourdine. Il replonge bien vite dans sa lecture : Jules Verne sait tenir son lecteur en haleine. Et l’incroyable se produit, il ne sait plus s’il lit un livre ou s’il est dans le livre car cette histoire de château des Carpathes ressemble très fort à ce qu’il est en train de voir, d’observer et de vivre… Jules Verne, Chateaubriand, décidément les fantômes font dans la littérature !
Il sort du château par l’arrière et, le plus discrètement qu’il peut, s’approche de la mobylette de Daniel. Il décroche l’antiparasite, enroule un petit bout de papier sur la tête et remet tout en place. Si Daniel veut inopinément se barrer, il mettra un peu de temps à se dépanner.
Albert revient à l’intérieur, vérifie que Daniel est bien plongé dans son sommeil, puis il met sa veste, une casquette et ressort par l’arrière. Il aurait bien aimé se servir de la mob mais ce n’aurait été assez discret. Il traverse le bois et part en direction du village. Il suit la route, prêt à se planquer dans les haies qui la bordent au cas où il y aurait du passage. Il avait remarqué, à la sortie du village, une cabine téléphonique sur une plateforme à côté d’un hangar industriel. Les lieux ne sont pas éclairés, seul le centre du village bénéficie ds’un maigre éclairage nocturne. Il se glisse dans la cabine et met de la monnaie pour appeler Christelle. Le coup de fil est rapide, il avait préparé son texte et lui avait donné des instructions sans lui laisser le choix de répliquer. Ensuite, il appelle son ami René-la-Science. Même topo, les ordres sont les ordres lui dit-il en conclusion.
Il sort de la cabine, tout est calme aux alentours et il revient à sa case départ.
En son for intérieur, il pense : je reprends la main !
Sans être inquiété, il revient au château où Daniel ronfle toujours comme un sonneur. Il monte se coucher.
*
(à suivre...)

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