Albert, pensif, se
réinstalle dans son fauteuil mais il n’arrive pas à se remettre à sa lecture
qui l’avait pourtant passionné. Il a comme l’impression d’être devant un puzzle
dont il lui manquerait une pièce. A moins qu’elle ne soit devant lui mais qu’il
ne la voie pas.
Soudain, il lui semble
percevoir une lueur dans le parc. Il se lève et se poste de manière à voir à
l’extérieur sans en être vu. Il sent cette fois ses cheveux se dresser sur sa
tête, la même apparition se promène lentement, par saccades, dans le parc. La
forme s’allonge vers le haut, se tasse ensuite, c’est bien une dame blanche,
elle a une longue chevelure blonde et une robe qui ressemble à de la
mousseline. Puis la forme hiératique disparaît lentement, comme aspirée dans le
bois. Cela a duré à peine une quinzaine de secondes mais il l’a bien vue de ses
yeux ! Et, pour faire bonne mesure, voilà que cela recommence dans le
grenier : toc… toc… toc…
Il monte rapidement
l’escalier jusqu’à la porte du grenier. Le bruit s’est arrêté mais il entend
une sorte de grincement. Malgré sa curiosité, Albert redescend, perplexe, sans
entrer dans le grenier. Il ne peut pas se dévoiler, il est censé rester
incognito dans ce château.
En son for intérieur, il
pense : un point partout, la balle
au centre !
Etrange situation, il va dans le bureau et,
avec sa petite lampe de poche, il cherche dans le cabinet de curiosités une
petite amulette qu’il avait déjà repérée. Il la trouve et va l’examiner dans la
cuisine. D’après lui, ce serait un talisman aux vertus apotropaïques dont il
avait déjà vu une description au fil de ses lectures diverses. C’est un gri-gri
d’un métal indéfinissable et il se porte en scapulaire, il ne saurait en donner
la provenance, probablement africaine. Mais c’est vaste, tout un continent… Il
le serre entre ses deux paumes pour sentir le magnétisme de l’objet. Il ne sait
pourquoi mais il se passe le cordon autour du cou. Dans les circonstances
actuelles, pense-t-il, même si cela ne me protège pas, cela me rassure…
Il se sent bien plus
apaisé et retourne dans son fauteuil pour achever son livre. Daniel ronfle dans
son fauteuil, la télé allumée avec le son en sourdine. Il replonge bien vite
dans sa lecture : Jules Verne sait tenir son lecteur en haleine. Et
l’incroyable se produit, il ne sait plus s’il lit un livre ou s’il est dans le livre car cette histoire de
château des Carpathes ressemble très fort à ce qu’il est en train de voir,
d’observer et de vivre… Jules Verne, Chateaubriand, décidément les fantômes
font dans la littérature !
Il sort du château par
l’arrière et, le plus discrètement qu’il peut, s’approche de la mobylette de
Daniel. Il décroche l’antiparasite, enroule un petit bout de papier sur la tête
et remet tout en place. Si Daniel veut inopinément se barrer, il mettra un peu
de temps à se dépanner.
Albert revient à
l’intérieur, vérifie que Daniel est bien plongé dans son sommeil, puis il met
sa veste, une casquette et ressort par l’arrière. Il aurait bien aimé se servir
de la mob mais ce n’aurait été assez discret. Il traverse le bois et part en
direction du village. Il suit la route, prêt à se planquer dans les haies qui
la bordent au cas où il y aurait du passage. Il avait remarqué, à la sortie du
village, une cabine téléphonique sur une plateforme à côté d’un hangar
industriel. Les lieux ne sont pas éclairés, seul le centre du village bénéficie
ds’un maigre éclairage nocturne. Il se glisse dans la cabine et met de la
monnaie pour appeler Christelle. Le coup de fil est rapide, il avait préparé
son texte et lui avait donné des instructions sans lui laisser le choix de
répliquer. Ensuite, il appelle son ami René-la-Science. Même topo, les ordres
sont les ordres lui dit-il en conclusion.
Il sort de la cabine,
tout est calme aux alentours et il revient à sa case départ.
En son for intérieur, il
pense : je reprends la main !
Sans être inquiété, il
revient au château où Daniel ronfle toujours comme un sonneur. Il monte se
coucher.
*
(à suivre...)
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