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jeudi 14 mai 2020

Appelez-moi Fortunio (66)


René s’en va puis, au bout de quelques minutes, revient s’asseoir.
-          Excellent, ce thé, pour moi qui n’ai pas l’habitude de ce genre de boisson… Putain, si j’ose dire, ce masque est vraiment effrayant. Je me demande pourquoi on a pu faire un pareil truc et surtout, comment on peut avoir l’idée de garder sa dans sa maison ! Il faut être tordu.
-          Ben, d’autant plus que c’est probablement le proprio d’avant-guerre qui a monté ce cabinet de curiosités et que le père de Daniel ne s’en n’est pas débarrassé. Je parie qu’une connerie pareille ferait encore un bon prix, en trouvant l’amateur… Et je me demande si Daniel est au courant, je trouve qu’il aurait pu me prévenir !
-          Passons. Sers-moi encore de ce thé puis j’aimerais bien aller faire un tour à l’étage. Tu me montrerais ma chambre par exemple et puis, tant qu’à être là, autant faire du tourisme…
-          Tu as raison. Moi-même, j’ai visité en vitesse pendant la nuit et je me suis contenté d’aller dans ma chambre. Il y a deux grandes chambres sur le devant, de part et d’autre d’un large couloir, je dirais même un large palier presque aussi grand que le vestibule, en-bas. Puis, il y a deux petites chambres, la tienne et la mienne. Et, donnant sur l’arrière, deux chambres encore. Il y a plusieurs salles d’eau avec des cagoinces, trois étoiles quoi !
-          Bien, on va y aller, j’espère que nous sommes au bout de nos surprises les plus désagréables, conclut René.
Ils finissent leur thé et montent par l’escalier principal. Les deux chambres de l’arrière sont vite visitées, l’une étant celle de Daniel et l’autre seulement meublée d’un lit et d’une armoire sans style. Albert présente ensuite sa chambre, puis celle qu’i est attribuée à René, le mobilier est ancien mais rustique. Les deux chambres de devant sont joliment meublées avec des meubles de style. Celle de gauche, au-dessus du salon, est visiblement la chambre de monsieur et l’autre, en vis-à-vis, celle de madame. Du côté monsieur, l’ensemble est assez conventionnel avec des meubles en chêne assez lourds et massifs. Mais pour bien les voir, il faut soulever des draps qui ont été posés, à l’ancienne, pour protéger de la poussière
-          Mais, dis-moi, où est la chambre du papy ? On dirait que ces pièces sont inutilisées depuis bien longtemps ; les mites sont d’ailleurs passées ici ou là et la poussière semble antédiluvienne, demande René.
-          Ne m’en demande pas trop, il y a de toute façon une chambre au rez-de-chaussée où il logeait avant que les jardiniers l’enferment dans la gloriette…
La chambre de madame est plus joliment décorée, René, admiratif, soulève les protections :
-          Regarde-moi cette coiffeuse, on dirait que toute la pièce est meublée dans la style Empire, oh ce guéridon, regarde-moi ce ciel-de-lit !
-          Tu sais, moi, les styles du mobilier, j’y connais que dalle, lui dit Albert.
-          Ouah, regarde cette psyché ! C’est de l’acajou, quelle splendeur ! Ça c’est du style, mon pote…
Il a carrément enlevé le drap de protection, caresse les contours en bois, incline le miroir.
-          Admire la qualité et le grain de ce miroirs, on n’en fait plus des comme ça, je crois même qu’il y a du mercure là-dedans.
Il passe un léger coup de chiffon sur le verre puis recule un peu pour se mirer. Une ombre passe sur la glace et il se tourne vers Albert qui est absorbé dans la contemplation d’un tableau, une charmante scène champêtre.
-          Ça alors, c’est toi qui a projeté une ombre sur cette glace ? Lui demande-t-il. Je ne comprends pas ce qui s’est passé, on aurait dit l’ombre de quelqu’un qui se serait glissé entre la glace et moi…
-          Glissez, mortels, n’appuyez pas… T’as des acouphènes dans les yeux, mon pote !
-          Bon, si tu les dis ! Mais c’est assez bizarre, tout de même, conclut René en remettant la housse de protection sur la psyché.
Ils redescendent pour aller envisager leur repas du soir dans la cuisine.
(à suivre...)

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