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dimanche 19 août 2012


Chronique du temps exigu (19)
Une fois n’est pas coutume, je vais parler de chapeau. Pas de ces chapeaux orgueilleux, bicorne, haut-de-forme et autre jardin potager. Non, de mon vieux chapeau.
Un authentique panama fabriqué en Equateur, acheté un samedi sur le marché de Nérac (Lot-et-Garonne). Du 58 s’il vous plaît. Qui vous donne le style Compay Segundo. Un couvre-chef acheté en bonne compagnie par un beau jour de juin 2007.
Mais cinq ans plus tard comment se fait-il que ce fidèle ami fasse parler de lui ? Allons droit au but : il est bien cabossé et je ne peux m’en défaire, comment ferais-je pour le jeter aux orties ?
Il apparaît furtivement dans les premières pages de mon prochain roman, au cœur de la Bretagne. Il m’a accompagné sur les sentiers de Dol à Saint-Malo en passant par Cancale. Il a résisté aux assauts du vent à la pointe du Grouin alors que nous entendions au soleil couchant une cornemuse bercer les sirènes de l’océan. Il s’est levé pour saluer de loin, à Combourg et au Grand-Bé, l’auteur des Mémoires d’outre-tombe.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le dire.
Mais encore, il est allé par les chemins et dans les bois, dans les prés et au bord des ruisseaux ramasser des morilles à Moirax, des girolles à Moncrabeau, des cèpes à Lizac et à Birkenwald, des lactaires, des mousserons et des clitocybes en tous lieux. Il a fait de la marche, du vélo, du tracteur et de la voiture. Il a pris le soleil, la pluie et les orages.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le répéter.
C’est lui que vous avez vu sur un néphélocentaure chasser le Lachanoptère et le Psyllotoxote. C’est lui qui s’est incliné devant la statue de Léonidas à Sparte, qui passa sous le porche des lions à Mycènes pour s’émouvoir devant la tombe de Clytemnestre. Discrètement, dès huit heures le matin, il admira l’Aurige à Delphes. Le voilà ensuite sur les traces de Byron et Châteaubriant prenant les premières gouttes de pluie au Cap Sounion. Il était sous le dôme d’Anaktora Nestoros et il a gravi les marches qui montent au Parthénon.
Peut-on se séparer d’un couvre-chef aussi fidèle et aussi chargé d’histoire ? 
On voit par là que de travailler du chapeau n’est pas le privilège des plus nantis.



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