Chronique du
temps exigu (21)
Les stéréotypes ont la vie dure et cela n’est pas sans raison.
Prenons un exemple, parlons des allemands. L’allemand est,
paraît-il, rigoureux. Non dans le sens où l’on parlerait d’un hiver rigoureux
mais dans le sens de l’organisation, de la planification, de la rectitude et de
la ponctualité. Même des allemands en viennent à parler d’eux-mêmes en ces
termes. Et ils pousseraient le bouchon jusqu’à se dire vertueux en économie. Ce
qui leur autorise, soit dit en passant, une certaine condescendance à l’égard
des peu rigoureux et mal vertueux, suivez mon regard…
La rigueur allemande est une flamme entretenue par sa
chancelière vestale et la vertu allemande est le Graal des financiers
teutoniques. L’allemand moyen en est le thuribulaire. Disons-le sans ambages, ce n’est pas qu’un
stéréotype, c’est une réalité et nous pouvons le démontrer.
Je vais le prouver en puisant dans une actualité récente
quoique peu diffusée par les grands médias, ceux-ci étant plus préoccupés par
les voleurs de poules que par la grande délinquance financière. Certaines
grandes banques des pays dits développés ont triché avec les règles qui furent établies
pour conserver à la haute finance un semblant de sincérité. Prises la main
dans le pot de confiture, si j’ose dire, certaines d’entre elles ont du
reconnaître avoir falsifié leurs déclarations à propos d’un indice appelé Libor.
Quand une banque magouille, à fortiori une grande banque, cela n’est jamais ni gratuit
ni à son désavantage. Avec un peu de retard – la prudence est de rigueur à
Berlin - la Deutsche Bank a avoué publiquement ses fautes. Elle s’est même
engagée à rechercher et punir quelques lampistes de service. Considérant que
faute avouée est à moitié pardonnée - surtout quand l’aveu intervient in extrémis
- cette banque a demandé à bénéficier d’un statut de témoin repenti pour
avoir dénoncé tant ses propres fautes que celles de ses petits camarades.
C’est avec rigueur que cette banque a trafiqué comme les autres
et c’est vertueusement qu’elle livre ses lampistes et ses comparses. Ce qui
frappe surtout c’est la synergie qu’il y a entre rigueur et vertu. Voyez les
grecs par exemple, ils sont censés être sans rigueur et s’ils ont de la vertu,
elle ne leur servira de rien. Je n’ose imaginer les qualificatifs dont les
journaux allemands auraient usé pour qualifier ces agissements bancaires s’ils
eussent été helléniques.
On voit par là qu’il vaut mieux tricher gros pour garder une
bonne réputation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire