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dimanche 2 décembre 2012

extrait de :"Le temps de l'éternité"

Ce dimanche, pas de chronique mais un extrait d'un manuscrit en cours :

"Pijm n’en peut plus, il part en courant, un éclair illumine toute la maison, suivi aussitôt d’un coup de tonnerre formidable. Pijm court, trébuche, il tente de rallumer sa lampe qui redonne une lumière normale. Pijm se rend alors compte qu’il ne reconnaît plus le chemin. Il ne sait pas s’il est sur le bon chemin. Il s’arrête pour reprendre ses esprits. Il réfléchit : s’il s’est trompé de chemin, peu importe, car chaque chemin fait une boucle et revient vers le chemin initial. Il faut qu’il parte, qu’il retrouve sa voiture, son lit, sa femme, sa famille. Il se dit qu’il est fou de jouer ainsi avec le feu.

Pijm repart. Le chemin descend, cela l’inquiète un peu, mais soit, il continue, et tombe sur un autre imprévu : un autre chemin qui part sur la droite. Il décide de le prendre. Il descend encore et finit par arriver dans un vallon où le chemin part encore sur la droite en remontant. Un nouvel éclair illumine toute la vallée et Pijm voit devant lui, au bord d’un profond fossé, un pan de mur en ruine.
 A côté du pan de mur, un petit homme lui fait face, un tout petit homme, pas un enfant, mais un très petit homme. Cinquante ou soixante centimètres de haut. Il porte un manteau sombre et un chapeau noir tout simple, juste un court cylindre avec un rebord large.
Pijm garde sa lampe braquée sur le petit homme, mais celui-ci ne semble ni gêné, ni ébloui.

-         Qui êtes-vous ? demande Pijm.
-         Je suis un occupant de ces lieux, mon nom ne te dirait rien, répond l’homoncule.
-         Excusez-moi, je ne veux pas vous déranger, je veux retourner à ma voiture.
-         Tu ne me déranges pas, reste ici, la pluie commence à tomber très fort.
-         Mais ici je vais me mouiller…
-         Suis-moi, dit le petit homme.

Il entre dans une petite église que Pijm aperçoit tout à coup, comme sortie du pan de mur.

-         Mais où est-ce qu’on est ? Demande Pijm.
-         Dans l’église de La Furetière, c’est ici que j’habite et on y est à l’abri de la pluie, répond le petit homme.

Dehors, la pluie tombe bruyamment et l’orage gronde de plus belle. Pijm balaye de sa lampe l’intérieur de l’église. Elle est très simple, les murs sont crépis et chaulés, un autel dans le chœur, deux prie-Dieu, quelques chaises paillées. Le sol est fait de pierres calcaires un peu disjointes.

-         Mais cette église n’est pas sur la carte, objecte Pijm.
-         Bien sûr, puisqu’elle n’existe plus à ton époque, dit le petit homme.
-         Mais vous, alors, qui êtes vous ? Moi je suis Pijm, Pijm van Zwartkluut, je suis hollandais.
-         Disons que je m’appelle Tin Quiète, si cela te rassure.
-         Mais vous vivez ici ?
-         A ma manière, oui. Mais je ne suis pas comme toi. Je suis ce que les gens ici appellent un drac. Ou si tu préfères un lutin. Je suis ici, ou ailleurs. Il est très rare que des gens comme toi puissent me voir. Je me suis mis sur ton chemin pour éviter que tu te mettes en danger. On dit que les dracs sont des malfaisants ou des malicieux, mais c’est rarement vrai.
-         Mais qu’est-ce que vous faites ici ?
-         Je ne fais rien, je suis là, c’est tout. Je ne suis pas comme toi, je ne suis pas un humain, je n’ai pas besoin de m’occuper, de faire, de boire, de manger. Je suis présent là où je suis, c’est tout, répond Tin Quiète.
-         Mais alors tu es un esprit ?
-         Oui, on peut dire que je suis un pur esprit, mais pour autant je suis là, je m’occupe si je veux, je fais, je bois, je mange ce que je veux, quand je veux. Et cette nuit, je veux m’occuper à t’aider.
-         Mais alors, tu sais ce que je viens de faire ? Dit Pijm en passant lui aussi au tutoiement.
-         Je peux savoir qui tu es, ce que tu viens de faire, n’oublie pas que je suis un drac…
-         Tu sais que je viens de voir des fantômes ? Dans la maison, là-haut ?
-         Ce que tu as vu en bas dans la maison, ce ne sont pas des fantômes, tu as juste vu une scène du passé se refléter devant toi. Quand tu es monté dans la tour, tu as vu des esprits, pas des fantômes.
-         Et pourquoi la scène s’est-elle arrêtée ?
-         Parce que tu as bougé et que tu n’étais plus en état de la voir, la scène ne s’est pas arrêtée.
-         Et cela s’est passé dans cette maison il y a longtemps ?
-         Oui, il y a plus d’un siècle, autour des années 1870, dit le drac.
-         Et tu étais déjà là ? Demande Pijm.
-         J’étais là et je n’étais pas là, je n’ai pas connu ces gens, mais je sais qui ils sont. Tu ne sais pas ce que c’est qu’un drac. Je remonte à la nuit des temps. Je n’ai que peu de mémoire, mais j’ai un accès direct à toute l’information de l’univers. Il suffit que je pense à ces gens que tu as vus et je peux savoir qui ils sont, ce qu’ils ont vécu, où ils sont allés. Tout cela est trop difficile à comprendre pour toi. Est-ce que tu peux me dire en quelle langue je te parle ?
-         En néerlandais, tu parles la même langue que moi, répond Pijm.
-         Eh bien, si un français écoutait ce que je dis en ce moment, il dirait que je parle en français, et un russe dirait que je parle le russe. N’essaye pas de tout comprendre, tu n’es qu’un homme… Mais, assieds-toi, la pluie tombe encore trop fort pour que tu repartes. Je vais te raconter l’histoire de ces gens que tu as vus.

Effectivement, dehors la pluie tombe encore plus fort et Pijm entend l’eau qui coule dans le fossé. L’orage est toujours violent. Pijm s’assied sur une des chaises paillées, un peu surpris de se trouver sur une vraie chaise."

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