Chronique du temps exigu (58)
Une chronique aujourd’hui ? Pas vraiment… quoique !Il y a un an - vous en souvient-il ? – j’annonçais la publication prochaine d’un roman qui devait s’intituler : « Loin de la douleur passée ». Le temps a passé et ce roman n’est jamais sorti de chez l’éditeur, ce dernier ayant « fondu les plombs » si je peux me permettre de parler ainsi. J’ai toutefois réussi à récupérer mes droits sur cet ouvrage et il vient d’être publié et on peut donc le trouver sur le catalogue de TheBook Editions. Je n’ai pas voulu garder le même titre et le nouveau titre est « Dernier tableau ». Le manuscrit a été remanié et je remercie la correctrice qui m’a aidé, avec patience, pertinence et célérité, à l’améliorer. Vous trouverez le lien ci-contre pour aller sur le site de TheBook Editions. Bien sûr, si vous préférez me le commander directement, cela est possible pour un montant de quinze Euros, dédicace incluse. Certains d’entre vous avaient souscrit auprès de mon éditeur défaillant et je tiens à leur disposition un exemplaire que je leur ferai parvenir gracieusement dès qu’ils se seront faits connaître, je ne pourrai assez les remercier de leur soutien.
Voici la quatrième de couverture de « Dernier tableau » :
Prendre sa retraite et s’installer dans une petite ville
en bord de mer n’est pas de tout repos. Pour avoir voulu simplement accrocher
un tableau au mur de son appartement, Hervé sera projeté dans le secret d’un
passé dramatique. De situations cocasses en aventures inattendues, qui du
tableau ou d’Hervé va posséder l’autre ?"
Et je vous propose un extrait, une courte histoire, celle du couteau turc :
« Marondeau pose le plateau et la théière et fait signe
à Hervé de s’asseoir. Après avoir servi, il s’assied à son tour.
– Maintenant, je vous raconte mon
histoire de couteau turc. Il faut absolument que vous entendiez cela.
– Je vous écoute.
– Il y a fort longtemps que je
suis antiquaire, je vous passe les détails d’une jeunesse turbulente mais
studieuse néanmoins. J’ai très vite décidé de me lancer dans le commerce d’antiquités
car cela me permettait de me promener à ma guise, d’aller à Paris et dans les
grandes villes de province pour m’approvisionner…
– Vous m’avez pourtant dit que
vous n’étiez jamais sorti de Saint-Lambaire…
– Si vous m’interrompez, je
risque de perdre le fil de mon histoire, mon cher ! Je ne suis que très
peu sorti de Saint-Lambaire intra muros et je ne suis jamais allé dans
les quartiers neufs. Mais bien sûr, j’ai quand même visité l’Europe et la
France, je suis allé en Afrique et même en Asie. Les Etats-Unis d’Amérique ne
me manquent pas, c’est un pays trop récent, dirons-nous. Je reprends
donc : je devais trouver de la marchandise intéressante, je n’avais pas
une âme de brocanteur et je faisais les meilleures salles des ventes.
Quelquefois, vous achetez des lots, bien obligé, ou des cartons entiers pour ne
conserver qu’une seule pépite. Dans une vente, à Paris, j’avais remarqué une
petite malle, une très jolie petite malle dans laquelle il y avait, pêle-mêle,
des vêtements et de l’argenterie. La vente fut mauvaise pour moi, je n’avais
rien pu acheter alors que j’étais venu pour du très beau mobilier. Mais toute
la place de Paris était là et tout m’est passé sous le nez. Par dépit, j’ai
enchéri sur la petite malle, à la fin des ventes. Elle n’a séduit personne et
je l’ai eue pour trois francs six sous. ai-je l’ai donc fait enlever et me la
suis faite livrer à Saint-Lambaire où elle est arrivée une ou deux semaines
après. En la vidant, j’ai constaté que l’argenterie n’avait que peu de valeur
et il me sembla donc que seule la malle pouvait plaire à un de mes clients. Je
mis dans un sac les vêtements sans intérêt pour les faire passer à un fripier
et j’eus la surprise de trouver, emballé dans une chemise, un splendide couteau
à lame courbée dans son fourreau, dont je supposai qu’il était de fabrication
turque. Plus qu’un couteau, il faudrait même dire un poignard ; le
fourreau était garni d’une belle pierre brillante et le haut du manche était
lui aussi garni de deux belles gemmes chatoyantes, une de chaque côté. On
aurait vraiment dit des diamants et je voulus en avoir le cœur net. Je montrai
le poignard au meilleur bijoutier de la ville, un homme formidable et
extrêmement compétent. Après avoir examiné les pierres, il me confirma qu’il
s’agissait de diamants et, en riant, me conseilla de les faire démonter et de
les vendre séparément. Je n’acceptai pas sa proposition car je trouvais
regrettable de mutiler ce bel objet. Je remerciai le bijoutier et repris mon
couteau. A l’époque, je n’avais encore qu’un tout petit magasin, à deux rues
d’ici, avec une minuscule vitrine. En rentrant, je mis le couteau dans la
vitrine, comme cela, en me disant que je ne l’y laisserais pas car on pourrait
me le voler. Et c’est là que tout a commencé : un médecin de la ville
passa devant mon magasin alors qu’il sortait de chez un de ses patients, il fut
tout de suite attiré par ce couteau, il entra et demanda à le voir de plus
près. Je n’avais pas encore décidé du prix que j’en demanderais et j’avais déjà
l’acheteur car je sentais qu’il voulait faire l’affaire coûte que coûte. Mon
tarif fut donc le sien et il repassa en fin de journée pour le prendre et le
régler. Deux jours plus tard, son épouse me téléphona pour me demander de
passer chez elle car son mari s’était gravement entaillé la main et le bras, de
manière incompréhensible, en voulant nettoyer le fameux couteau. Le médecin
avait été emmené d’urgence à l’hôpital et son épouse me demandait de venir
reprendre le funeste couteau. Il était difficile pour moi de refuser, c’était un
notable et cette histoire risquait de faire planer une ombre sur ma réputation.
L’épouse du médecin n’exigeait pas que je rembourse l’objet, mais je tins à le
faire, pour solde de tout compte, dirais-je. Et me voilà de nouveau avec mon
couteau en magasin. Je décidai alors de revoir le bijoutier et de suivre son
conseil. Le lendemain, je lui portai le couteau et, sans lui donner plus
d’explications, je lui demandai s’il était toujours intéressé par l’achat des
diamants incrustés. Il me fit une proposition que j’acceptai et me demanda de
revenir quelques jours après, il ferait ce travail devant moi. Il me proposa de
garder le couteau dans son coffre, j’acceptai et il me fit un reçu. Lorsque je
revins au jour dit, je trouvai la bijouterie fermée pour cause de décès.
J’allai me renseigner chez un commerçant voisin qui me dit que le bijoutier
était décédé la veille au soir, apparemment d’une crise cardiaque. Je revins
donc chez moi où peu après j’eus un coup de téléphone, toujours ce sacré
téléphone, de la veuve du bijoutier. Ce dernier avait été terrassé par une
crise cardiaque au moment où, en fin de journée, il fermait son coffre. Le
couteau y était bien en évidence avec une étiquette à mes nom et adresse et la
veuve me proposa de venir le récupérer avant que l’inventaire ne soit fait.
J’acceptai et je me rendis aussitôt à la bijouterie où je récupérai encore une
fois le néfaste poignard. Comme l’on dit, jamais deux sans trois, mon cher, et
vous allez le constater. Je revins dans mon magasin, je posai le poignard sur
la table et je partis dans la pièce arrière pour prendre de quoi l’emballer
soigneusement. J’eus à peine le dos tourné que j’entendis qu’on entrait dans ma
boutique Je me retournai, le temps de voir un homme qui s’emparait du couteau
sur la table avant de s’enfuir. Je me précipitai à l’extérieur par la porte que
le voleur avait laissée ouverte et je le vis se faire accrocher par une
voiture. Il a été précipité à plus de dix mètres de là et je trouvai le couteau
sur la chaussée, pratiquement devant chez moi, le voleur l’avait sans doute
lâché au moment du choc. Un attroupement s’était créé plus loin, près du
blessé, et je ramassai le couteau. Complètement choqué, je rentrai dans mon
magasin, je mis le couteau en sécurité dans une armoire et je ressortis dans la
rue. J’essayai d’expliquer à plusieurs personnes ce qui s’était passé, mais nul
ne m’écouta, mon malheureux voleur partit dans une ambulance et décéda avant
d’arriver à l’hôpital. Personne ne m’a jamais interrogé, l’enquête a conclu à
un accident et le conducteur de la voiture a été mis hors de cause. Quant à la
victime, il s’agissait d’un chemineau, un routard, inconnu dans la ville. Pour
moi, c’en était trop. Je remis le couteau dans la malle que je rangeai dans un
grenier, ne sachant qu’en faire. Je ne pouvais ni le vendre, ni le donner. Je
me suis quand même renseigné sur le propriétaire de la malle et j’ai retrouvé
sa trace. C’était un diplomate turc, un attaché ou un secrétaire de l’ambassade
de Turquie à Paris, qui avait tué sa femme et gravement blessé l’amant de cette
dernière, à coups de couteau. L’affaire avait été étouffée, le diplomate, sous
le couvert de son immunité, avait regagné la Turquie et l’amant a préféré
rester dans l’anonymat. La malle était probablement restée à l’ambassade jusqu’au
déménagement de celle-ci. Je ne peux que croire que le couteau est celui qui a
servi à assouvir la vengeance du diplomate. La malle a été vendue, ou cédée,
dans un lot d’objets qui se sont retrouvés en salle des ventes. Voilà
l’histoire du couteau turc et, croyez-moi, je n’ai jamais pu l’oublier.
– Ce
poignard serait donc une sorte de noir talisman, un porte-malheur si l’on peut
dire…
– Je n’irais pas jusqu’à dire
cela, il ne m’a rien fait à moi, comme s’il voulait rester chez moi, là où il
serait tranquille.
– Aurait-il la force
d’aimer ? ose Hervé en se demandant quel écho aurait sa phrase.
– Objets inanimés, avez-vous
donc une âme, qui s’attache à notre âme, dit Marondeau.
– Et la force d’aimer,
reprennent-ils en chœur. »
Normal, Pierre, les acheteurs avaient oublié de donner la pièce symbolique qui sert à ne pas couper l'amitié, lors d'un don ou d'une transaction de couteau C'est, au Havre, une tradition fort respectée! Et lorsqu'elle l'est, rien de fâcheux n'arrive, à ma connaissance!... Bises, Frank.
RépondreSupprimerBien sûr et bien vu ! Et c'est ce que l'on verra dans la suite du roman...
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