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jeudi 5 février 2015

Le cabot de Fortunio (31)

-          Au revoir, monsieur Robico, déclare Queue de Cheval, bon vent et que je ne vous revoie pas !
-          What’s up, doc ? ajouté-je en m’approchant et avec à-propos.
Le gars me regarde, incrédule, l’air de se demander si on se connait. Il hausse les épaules et quitte les lieux en grommelant.
-          Vous le connaissez ou vous dites cela comme ça ? me demande la dame de sa hauteur.
-          Disons que c’est un nom qui me dit quelque chose mais il fallait bien placer un mot pour détendre l’atmosphère et aussi pour montrer que je suis polyglotte. Et vous, vous êtes videur dans cette boîte de nuit ?
-          Disons que je trie un peu à l’entrée, mais ça pourrait être un métier pour moi, j’y penserai. Disons plus simplement que ce monsieur a commis l’erreur d’arriver au mauvais moment… sans commentaire. Bien, vous venez pour l’expo ? Si c’est le cas, dépêchons-nous, nous allons rater le clou de l’exposition, la minute nécessaire de monsieur Dutritel, l’organisateur et le mécène de cet évènement !
-          Vous m’en direz tant ! Il va faire un discours ?
-          Un discours ? Dit-elle en m’entraînant par le coude. Un exposé, une allocution, une conférence… mais c’est un sacré monsieur !
Nous arrivons dans une salle d’exposition, classiquement garnie de tableaux. Je suis un peu surpris de voir des peintures d’une abstraction au-delà de mon entendement. Même une tartiflette écrasée sur le mur aurait pu me donner à penser mais cet ensemble de lignes et de barres me rebuterait plutôt. Au centre d’un groupe admiratif, un grand chauve gesticule, le monsieur Dutritel, je suppose.
-          Mesdames, Messieurs, chères amies et amis, c’est un plaisir autant qu’un honneur
-          pour moi d’inaugurer l’exposition de peintures de Martine Grebier et d’en faire l’introduction liminaire. J’essayerai d’être le passeur qui vous mènera sur les rives de l’art de cette grande artiste qui a choisi cette cité si pittoresque pour présenter le meilleur de son œuvre. Mais tout d’abord, permettez-moi de vous parler de cet Espace Peinture rénové dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Cet espace a été totalement configuré - et transfiguré oserais-je dire – pour accueillir des œuvres picturales selon un concept différent et autonome qui a pour but une vision totalement moderne de l’Art. Pour nous, fondamentalement, l’espace architectural ainsi créé ne doit rien représenter d’autre que le vide inexpressif et inarticulé, ceci tant que la couleur ne l’a transformé. Cela relève de la vision architectonique suivante : mettre l’homme dans la peinture plutôt que devant…
Je commence à décrocher un peu sinon totalement, l’assistance semble captivée et j’en profite pour me déplacer un peu vers ma droite pour zyeuter les œuvres précitées. Je ne peux dire que je reste de marbre, certaines toiles ont une dimension importante, dans les trois mètres sur deux, mais cela ne me parle absolument pas. Je me sens un peu beaucoup écrasé par tous ces tableaux et je comprends qu’en effet, je me trouve jeté dans cette peinture. L’expo est bien nommée : esquisses et lignes, il y a des lignes dans tous les sens, des barres, des rectangles et des carrés. Un peu perdu, je reviens à ma place précédente, à côté de Queue-de-Cheval qui me souffle à l’oreille :

-          Il y en a pour cinq minutes d’intro et cinq de plus pour la conclusion, mais ça paraît long. Il n’a rien inventé de ce qu’il dit, tout est pompé chez les autres, phrase par phrase…
(à suivre...)

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