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jeudi 19 février 2015

Le cabot de Fortunio (33)

C’est Martine Grebier qui claque une bise à QdC puis elle m’en fait une dans la foulée.
-          Alors, j’attends la suite, monsieur le pédégé des maisons de Fortunio, reprend-elle.
-          Oui, bon, je suis allé incognito dans la petite salle « Varia » et je voudrais revoir les petits tableaux. Il y en a deux qui me font penser à un Nicolas de Staël…
-          Mmmh, flatteur, coupe-t-elle.
-          Et un autre, comment dire ? Tout en noir, comme une eau-forte, on dirait une vignette de la bibliothèque rose, une fille qui s’encourt on ne sait où, très stylisée…
-          Ah, la fille qui n’avait plus de nom ! Vous connaissez l’histoire ?
-          Non, pas du tout. Je reconnais que je comprends mieux le figuratif, même s’il est seulement évocateur … mais ne perdez pas votre temps avec moi, je n’y connais rien.
-          Vous avez raison, je me dois à mes invités. Nous poursuivrons cette discussion plus tard. Eve, surveille-le et ne le laisse pas s’échapper. Je compte sur vous après le vernissage, on ira à quelques-uns finir la soirée au restau, soyez des nôtres…
-          C’est très gentil de votre part mais…
-          Pas de mais, les maisons de Fortunio, je te tiens à l’œil : n’entre pas ici qui veut mais n’en sort pas non plus qui veut, déclare Eve QdC.
-          Lasciate ogni speranza Voï ch’entrate, …
-          Exactement ! Tu dis n’y connaître rien en peinture mais tu connais la littérature italienne. Si tu veux, retourne dans la petite salle mais ne t’avise pas de filer à l’anglaise.
C’est marrant comme les choses vont, me dis-je en revenant dans la petite salle. Je suis encore attiré par le tableau à la jeune fille. Echevelée, le buste en avant, elle semble autant poursuivie que poursuivante, une sorte d’Ahasverus jeune fille. En effet, il y a un petit carton qui indique le titre du tableau : « La fille qui n’avait plus de nom ». J’ai vraiment une attirance pour ce tableau, enfin je dirais plutôt que ce tableau exerce une attraction sur moi. Néanmoins, je ne me laisse pas monopoliser par cela et je reviens vers les autres salles. Maintenant que les choses sont un peu plus calmes, j’arrive à un peu plus de réceptivité envers cette peinture mais tout de même. Un plateau passe et je chope quelques petits fours dans une main et une coupe de champ’ de l’autre. Un gugusse barbu et chevelu a l’air de parler tout seul quand il m’interpelle. Je ne comprends rien à ce qu’il me raconte, il est encore plus abscons que l’autre Dutritel mais il m’a pris comme interlocuteur et m’apprécie d’autant plus que, bouche pleine, je ne peux guère le contredire. Un autre gonzier s’introduit dans notre monologue et me prend à témoin de la controverse artistique qui est en train de naître entre eux. Je me contente de glisser de temps à autre : « Oh, vous pensez ? » ou quelque « C’est étonnant » pour relancer la conversation si toutefois cela était nécessaire. Une belle gonzesse, bizarrement habillée en hyper chic rouge et vert et étonnamment maquillée dans les mêmes tons vient se mêler à la conversation. Elle me saisit le coude gauche et me demande ce que je pense de cet ensemble. Comme sa question est extrêmement impérative, je sors une réponse tout ce qu’il y a de phatique :
-          C’est incroyable ! Le temps s’arrête !
-          Oui, oui, c’est cela même, répond-elle, Martine prend bien des libertés avec les phénomènes de tension. Vous êtes peintre vous aussi ? Je le parierais…
-          Nullement, je suis à peine un amateur…

-          Artiste en tout cas, vous avez le don de résumer les choses en si peu de mots…
(à suivre...)

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