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dimanche 22 mars 2015

Chronique du temps exigu (148)

« Il ne faut pas mélanger les torchons avec les serviettes ! » Ainsi parlait Sara Toussetra en rangeant ses périodiques, hebdomadaires, mensuels ou autres.

Voilà qui est sensé, me direz-vous. Mais tout de même, pensé-je in petto, avec des pensées pareilles on nous fabrique de l’élitisme à tour de bras et comment fera le petit peuple  pour grandir si on ne lui en donne pas l’occasion. Mon canard sous le bras, tout en rejoignant mon véhicule, je restais songeur et manquai me tamponner avec mon vieil ami Ledug qui sortait de la Banque Forestière. Nous nous saluâmes chaleureusement et mon ami, avec enthousiasme, me parla de son nouveau projet. Il venait de fermer, à la dite banque, son compte qu’il approvisionnait depuis moult années par des chèques en bois certifiés pur chêne. Cela en vue d’ouvrir un compte en Suisse dans une banque britannique. Comme je laissais voir mon étonnement, il m’exposa son plan :
« J’ai toujours rêvé de côtoyer les grands de ce monde mais tu sais combien il est difficile de se frayer un chemin jusqu’à eux. Réfléchissons bien : qui donc sont les grands de ce monde si ce n’est le tiercé composé des rois, des truands et des voleurs ? Je ne parle ni des roitelets ni des demi-sel pas plus que des petits arnaqueurs. Non, la vraie monarchie, la grande truanderie et les escamoteurs de haute volée. Et où se rassemblent-ils tous, ces beaux et grands prestidigitateurs, ces acrobates de l’accaparement ? En un seul lieu, sécurisé, aseptisé et pasteurisé, j’ai bien dit : dans les banques des paradis fiscaux et, de tous ces édens, le plus délicieux est bien celui que forment les banques suisses. Imagine, mon cher, si un nouveau swissleaks avait lieu, à côté de tous ces acrobates de la finance, il y aurait mon nom à moi. Et je serais, moi Ledug, dénoncé par les journaux tant en France qu’en Navarre. On ne saurait bien sûr pas à quel titre mais le soupçon pèserait lourdement. Il me suffit donc de déposer ma modeste fortune – l’équivalent d’une dizaine de RSA – puis de me dénoncer auprès du fisc de notre pays pour connaître aussitôt la célébrité et parler d’égal à égal avec tous ces purs génies de la malfaisance et avec tous les plus brillants scélérats de la planète. Cela n’est-il pas splendide ? »

On voit par-là qu’il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

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