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jeudi 5 mars 2015

Le cabot de Fortunio (35)

-          Non, qu’est-ce qu’on dit ? me dit-elle en m’essuyant la joue avec un mouchoir en papier.
-          En patois, oun estélo c’est une étoile et donc on dit : Estélo, ah oh, avec une queue au cul, elle ferait une poulit cométo…[1]
-          Petit cochon, va, vous ne pensez qu’à ça vous, les mecs…
Elle s’en va et j’en profite pour aborder Robico qui passe à mes côtés.
-          Excusez-moi, ce n’est pas vous qui avez vendu une béhème break blanche ?
-          Pardon, on se connaît ? demande le Robico.
-          Vous aviez bien un break BMW blanc, non ?
Il me dévisage et tourne sèchement les talons. Il se dirige vers la sortie. Avant de quitter la salle, il me balance un dernier coup d’œil. Je rigole intérieurement mais mon hilarité est de courte durée car je sens une main qui se glisse sur mon cou, la main d’Estelle bien sûr, débarrassée de son cicérone. Nous sommes à côté de la porte des toilettes et elle profite d’un mouvement de foule pour me pousser vers les gogues. Il faut dire que c’est pas des chiottes pour pauvres, c’est du cagoinsse de luxe, carrelage et miroirs partout, poignées dorées et lumières tamisées. Cette fois-ci, pas question de se dérober, nous nous ranimons mutuellement avec un bouche à bouche de qualité thérapeutique.
-          Chez les handicapés, dit-elle, c’est toujours plus propre et il y a plus de place…
La porte se referme sur nous et je ressors un bon quart d’heure plus tard, les jambes flageolantes avec ordre de sortir le premier, discrètement si possible. J’arrive à me faufiler dans un groupe où pérore un grand escogriffe à la crinière aile de corbeau, puis de fil en aiguille je tombe sur un petit monsieur rondouillard qui m’apostrophe :
-          Ne seriez-vous pas ce monsieur qui ne connaît pas l’histoire de la fille qui n’avait plus de nom ?
-          Je suis en effet un monsieur qui ne connait pas l’histoire de la fille qui n’avait pas de nom, comment savez-vous…
-          C’est Martine qui me l’a dit. Attention, c’est la fille qui n’avait plus de nom et pas celle qui n’avait pas de nom. Venez, allons dans la petite salle, je vais vous raconter cette histoire, c’est moi qui l’ai racontée à Martine et qui lui ai, de par ce fait, inspiré ce tableau que vous avez vu. Je lui avais demandé une illustration pour cette histoire, ce qu’elle a fait, mais de plus elle a réalisé ce tableau qui est exposé ici. Ce qui est dommage, c’est qu’il fait un peu figure d’intrus, il est assez décalé en regard des autres tableaux exposés. Mais qu’importe, je vais vous raconter cette histoire car j’ai bien l’impression qu’elle vous plaira, déclare-t-il péremptoirement.

(à suivre...)



[1] Une jolie comète.

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