Il faut aller dans nos régions pour voir de l’original, du neuf, de la vraie peinture de notre siècle. A Bergerac, en ce moment, allez voir les tableaux de Martine Grebier. Elle vous emporte hors du temps pour vous faire retomber en plein XXIème siècle. Il est rare de voir de nos jours une peinture aussi fraîche et profonde. Un amateur éclairé l’a fort bien résumé sur place : Pour vous, le temps s’arrêtera (et prenez le, vraiment !), ce sera incroyable !"
L’article continue en détaillant le travail de la peintre, toujours sur un mode élogieux. Il est signé Estelle Voisin, critique d’art donc et dans un grand quotidien parisien. J’ignore comment elle a eu mon adresse mais elle n’a pas traîné. Et sans se fatiguer, elle m’a piqué le titre, cette phrase que j’avais balancée à la volée. Faut reconnaitre que j’ai touché des royalties, mais faut pas le répéter partout. Un tel article va faire monter la cote de Martine Grebier ou je ne m’y connais pas.
Puis, les jours passent, François n’appelle toujours pas, je me sens comme l’oiseau sur la branche mais le volatile, lui, se fait sûrement moins de mouron que bibi. Chaque fois que mon portable sonne, je sursaute, les heures s’empilent sur les heures, les jours sur les jours, une semaine passe et rien, rien…
Une semaine, c’est énorme dans ces conditions : il peut s’en passer des choses… qui me dit qu’Eliane est encore en vie ? Qui me dit qu’elle n’est pas malade, battue, violée ? Et si ces salopards arrivaient à prendre le fric sans la libérer ?
Pour le fric, j’ai eu une idée : j’avais un peu tâté le terrain auprès de mon banquier, un mec assez sympa et réglo. Pour mes pièces, vous savez quoi, mon magot. Lui me connaissait le moyen de m’obtenir un prêt en les filant en garantie. Parce que, je sais pas pourquoi, mais ce magot, je l’ai déjà dit, c’est mon talisman, mon porte-bonheur et j’ai des scrupules à vendre mes napo’s comme ça. C’est bête mais c’est ainsi. Donc, j’ai mis le truc en route, on a fait des papiers, j’ai mis les pièces en lieu sûr et le pognon est sur mon compte. Il suffit que je passe l’ordre et je pourrai récupérer l’argent en billets de banque usagés dans les quarante-huit heures. Bien sûr, François a intérêt à me prévenir à temps. Mais qu’est-ce qu’il fout, bon sang ! Qu’est-ce qu’il branle, ce connaud ?
Enfin, je reçois un Sms. Laconique : « RV demain 15 h abbaye Moissac ».
Le lendemain, je suis devant le portail avant l’heure, je bous d’impatience. L’heure passe, pas de François et à la demie, je reçois un autre Sms : « RV annulé, vrai pb, désolé. Remis à demain 9 heures, même endroit ».
Encore une nuit de merde, à tourner, retourner, penser, cauchemarder. Autant dire que le lendemain, je suis avant neuf heures à Moissac. Cette fois, je vois arriver mon François. Il est pâle, l’air crevé et les yeux cernés. J’ai peut-être à peu près la même gueule, pensé-je en moi-même. Il me serre la louche et me fait signe d’entrer dans un bistro non loin de là, le Café du Siècle. Nous entrons et commandons deux grands cafés. Le patron, teint cireux du cirrhosé, nous lance un regard de commisération. Faut dire qu’il est déjà au jaune, lui, à neuf heures le café est déjà loin. Deux gars au comptoir, l’un au petit blanc et l’autre à la mousse, lui laissent la première place et se disputent les marches du podium : un manchot et un unijambiste. Leur présence me semble de mauvais augure. Nous prenons nos tasses et gagnons une table à l’écart. Bonnefoi sirote un peu son café, comme s’il voulait tester mes nerfs puis il attaque :
(à suivre...)
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