Ce Michel me paraissait
un peu déglingué de la tête et assez pathétique dans son entêtement à me
prendre pour messager. Le vin et la fatigue aidant, je finis par accepter de
porter son message. Nous devions nous retrouver le soir même dans cette maison
pour que je puisse lui faire mon rapport. Il me donna son numéro de portable pour
le cas où j’aurais un contretemps.
— Mais de toute façon, je
serai ici demain soir, inutile de m’appeler, ajouta-t-il.
— Attends, attends, si je
n’ai pas pu prendre contact avec ta greluche, je n’ai pas besoin que tu viennes
me tenir le crachoir ici demain soir. J’ai besoin de mon sommeil, moi.
— Démerde-toi, il faut
que tu aies quelque chose à me dire demain soir, me dit-il d’un air presque
menaçant.
Je fus un peu surpris de
ce changement de ton, mais je le mis sur le compte de la fatigue ou du contrecoup
des émotions. Je n’insistai pas et déclarai que j’allais me coucher, en
espérant ne plus être dérangé dans mon sommeil. Je rappelai à Michel qu’il
avait encore un petit travail de nettoyage avant de partir et montai me
coucher.
*
Je me réveillai peu avant
huit heures et une fois habillé, je descendis inspecter les lieux. Michel avait
nettoyé et rangé, on pouvait penser qu’il ne s’était rien passé. Le soleil
brillait au dehors et je sortis dans la cour devant la maison. Vue de jour, la
maison était assez jolie et formait un agréable ensemble avec ses dépendances. L’allée
traversait un bois de petits chênes comme on en voit sur les causses, puis
passait entre deux champs de terre rouge fraîchement déchaumée. Je retrouvai
René et Colette dans leur cuisine, le petit déjeuner prêt. Je leur dis que
j’avais très bien dormi et m’abstins de tout commentaire sur les évènements de
la nuit. Non sans regret, mais c’était un secret… Je passai dans la salle de
bains et après un bon brin de toilette, je retrouvai mes hôtes à table. Un copieux
petit déjeuner et une ambiance joyeuse firent passer les émotions de la nuit. Je
prétextai le désir de faire un tour seul à Villeneuve pour partir et tenter de
remplir cette mission que j’avais audacieusement acceptée.
Villeneuve de Sciérac est
une petite ville assez jolie, avec ses larges allées bordées de contre-allées
ombragées par des platanes et sa grande place Décorat, vaste terreplein où les
boulistes jouent par beau temps à la pétanque au pied de la statue d’un général
de Napoléon natif du Sciéracois. La ville était calme en ce dimanche matin et
je trouvai facilement « Les Fleurs de Ninon ». Je m’arrêtai un peu à l’écart du
magasin, ne voulant pas me faire repérer avec mon fourgon blanc. J’avais le
coeur qui battait, je ne savais pas trop comment j’allais pouvoir entamer la
conversation. Je comptais acheter une fleur pour offrir à Colette, pour la
suite je ne pouvais qu’improviser. Je poussai la porte en faisant sonner le
carillon, une dame à laquelle j’aurais donné trente-cinq ans arrangeait des
bouquets derrière le comptoir. Elle releva la tête et me sourit aimablement
d’un sourire étincelant. Elle était assez élancée, fine, les cheveux châtains
mi-courts.
— Vous désirez, Monsieur
?
(à suivre...)
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