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dimanche 3 juillet 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (41)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La vie à la campagne n’a pas que des inconvénients, elle réserve aussi des surprises agréables. Parmi celles-ci, la découverte (et la cueillette) des champignons. Bien sûr, il n’y en a pas qu’à la campagne. A Paris, il y a les champignons dits de Paris qui ressemblent, serrés dans leurs barquettes, aux Parisiens dans leurs métros. Il traîne aussi dans la capitale quelques mycoses et autres mérules mais là n’est pas notre propos.
Le champignon a longtemps excité l’imagination des dessinateurs qui le font cohabiter avec le petit peuple des bois et des forêts. Il a aussi été le fantasme de cohortes de babas cool et autres pileux à sandalettes en tant que pourvoyeur d’hallucinations. Meurtrier parfois, il a aussi fait rude violence à bien des intestins de ramasseurs imprudents. 
Dans les prés, le doux rosé émerge de l’herbage et l’ample coulemelle déploie avec majesté son ombrelle déguenillée. Le faux mousseron, doux marasme d’oréade, se répand en ronds de sorcière dans l’herbe rase et le coprin chevelu érige sa cloche claire.
Dans les bois, le clitocybe et la chanterelle d’automne créent des taches de couleur dans les feuilles mortes. Le cèpe, dodu et parfois imposant parfume les sentiers et la lumineuse girolle éclaire le sous-bois. La trompette de la mort s’organise en troupes sombres et le pied-de-mouton scintille astucieusement sous les feuillus. Ailleurs, lactaires et oronges brillent de tous leurs feux.
Dans les assiettes, en sauce, sur une croûte ou farcis, ils sont le régal de qui sait les aimer.
Quel qu’autre jour encore je me promenais à l’heure fragile et délicieuse, dès potron-jacquet, quand le soleil plisse encore les yeux et que la rosée s’épanouit. A cette heure où blanchissait la campagne, je me trouvais à arpenter d’un pas distrait la pelouse d’un terrain de football. Au point de penalty, dans l’éclat de la rosée, se dressait, frêle et mamelonné, un de ces petits champignons dénommés marasme d’oréade. Je me mis à rêver. La veille encore, les stades grondaient de la fureur des hommes, de sifflets stridents et de trompettes patriotiques. Car le sport est national, comme l’embarras est gastrique, à savoir par un attachement viscéral.
Au coup de sifflet final, les virils mollets rentrèrent au vestiaire, lentement la foule quitta les stades, les postes de télévision s’éteignirent et les sportifs en pantoufles vidèrent leur vessie avant de finir d’éructer au creux de leur lit quelques boissons fermentées. C’est alors qu’une exquise oréade, nymphe des bois et des montagnes, vint effleurer le doux gazon abandonné et posa là son marasme de nymphe montagnarde et délaissée.
Au petit matin, j’étais là et contemplais l’affliction qui l’accabla dans la nuit. O sylphe, fils du matin qui se lève, console cette douleur érigée. Et vous, farfadets, lutins, dracs et elfes, amusez-vous sans compter, dansez et jouez pour lui redonner sa joie de vivre. Petit peuple des bois, des forêts et des prés, boutez dehors la mélancolie et faites résonner l’espérance, la sérénité et la paix dans cette nature qui est notre et dont nous sommes.
On voit par-là que la vie à la campagne n’est pas de tout repos… Passez un bel été auditrices et auditeurs.

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