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dimanche 13 novembre 2016

Chronique de Serres et d’ailleurs II (8)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Et si, aujourd’hui, je parlais de la ponctuation ?
Je parlerai de la petite virgule qui donne de la musique et du souffle à nos phrases, qui donne le rythme et le sens à nos périodes. « Alors on mange les enfants ? » devient par la grâce d’une seule d’entre elles : « Alors on mange, les enfants ? ». Elle sauve des vies et nous préserve du cannibalisme, ménage notre souffle et structure notre discours. Merci petite virgule.
Il y a le point, point à la ligne ou point final qui nous permet de repartir vers une autre phrase ou de terminer notre texte. Du point, Ambrose Bierce disait qu’il n’avait pas toujours existé et qu’il avait été créé par la mouche domestique ordinaire – Musca maledicta. Je cite : « Ces insectes, qui sont toujours attestés dans le voisinage des auteurs, embellissent avec générosité ou parcimonie les manuscrits tout au long de leur composition, et, s’accordant à leurs besoins naturels, mettent en relief avec une sorte d’instinct supérieur l’œuvre des écrivains, à leur insu » (A. Bierce, le dictionnaire du diable, article « Chiure de mouche », trad. B Sallé, Rivages, 1989). Grâce soit donc rendue à cet insecte, collaborateur chevronné du rédacteur.
Les guillemets nous permettent de piller les idées des autres en s’en exonérant mais aussi de citer des phrases que nous attribuons aux autres alors qu’ils ne les ont jamais prononcées. Ce côté un peu faux-cul est largement compensé par la proximité avec l’adjectif guilleret qui est un cousin direct du guillemet. Laissons-les s’amuser en famille.
Le point d’interrogation interpelle le lecteur et certaines langues lui mettent la tête à l’envers en le redoublant au début de la phrase. ¿ Qu’en pensez-vous ? Je dirais que je me sens encore plus interpellé. Muchas gratias amigos.
Le point-virgule, si délaissé de nos jours, indique une pause moyenne, articulation subtile qui dit que la phrase continue sans tourner à la virgule. Redonnons vie à ce malheureux et posons chaque jour au moins un point-virgule au pied de l’autel de la ponctuation. Les deux points sont un moyen d’articuler deux termes d’une phrase en développant le premier après cette ponctuation et en présentant le second comme dérivant ou expliquant le premier. Ils permettent aussi d’introduire une citation. Bénissons-les comme l’outil du développement de notre pensée.
Et, pour mémoire, il y a encore les tirets, les parenthèses et autres alinéas.
Mais il me reste à aborder le sujet qui fâche : les points de suspension et les points d’exclamation. Pourquoi donc parler d’un sujet qui fâche, téméraire auteur ? Parce que si je plaide pour la réhabilitation du point-virgule, je constate dans bien des courriers que je vois passer sur mon écran une gabegie de points de suspension et de points d’exclamation. A quoi sert l’usage abusif des points de suspension sinon à laisser en suspens une pensée qui n’arrive point à s’exprimer clairement ? Les points de suspension, légers et en usage modéré, permettent à celui qui écrit de proposer au lecteur de suivre son regard, de chercher le sous-entendu. Un usage ad nauseam est le signe de la vacuité de la pensée de l’auteur. Il en va de même de l’emploi immodéré du point d’exclamation. Ce dernier marque l’étonnement, une suspension de la voix, une interjection ou une apostrophe. Utilisé sans modération, il devient comme une barrière qui interdit à la pensée de vivre. Honte sur ceux qui doublent, triplent, et même quadruplent parfois, les points d’exclamations !
On voit par-là que les mouches ont encore beaucoup à nous apprendre.

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