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jeudi 1 août 2019

Appelez-moi Fortunio (25)



Mon dieu, je viens de voir sur le journal que le colonel Xtern s’est suicidé dans une chambre d’hôtel à Bordeaux. Il y a sa photo, c’est bien le professeur. Je n’y crois pas, il n’a pas pu faire ça, c’est surement un coup monté. Un homme comme cela et si beau, ce n’est pas possible. Je ne peux pas y croire.
Je n’ai pas plus de nouvelles, ils ne disent plus rien dans le journal. Je suis été voir les autres journaux chez le marchand, on peut regarder sans les ouvrir, les journaux. Il n’y a rien de plus sur lui. Il avait un drôle de nom, cet homme. Je ne sais pas pourquoi mais il me prend des crises, à pleurer de temps à autre. Je suis très touchée et je ne peux plus en parler qu’à toi, mon petit cahier. La chance que j’ai c’est que monsieur Étienne, quand il m’a donné pour meubler ma maison, a dit qu’il me donnerait la commode à secret où monsieur Marc rangeait ses papiers les plus secrets. Monsieur Étienne, lui, n’a gardé aucun meuble mais les papiers, il les a emportés. Je voudrais bien savoir ce que c’est devenu tout cela, maintenant que le professeur est mort. Ça me fait pleurer.
Ça y est, le pire que je pouvais craindre est arrivé, la police chez moi. Et le nommé Graniez qui est venu avec un juge, un juge d’instruction qu’il a dit. Ce Graniez, il parle fort, il commande à tout le monde mais j’ai bien vu que le chef des policiers n’aimait pas cela. Le juge lui, avec son air important, il ne fait que répéter ce que dit ce Graniez. Ils disaient que j’avais vu ce colonel Xtern et qu’il m’avait laissé des papiers ou autres. Je leur ai dit que oui, il était venu pour me parler de monsieur Étienne qu’il avait connu à l’armée mais je ne pouvais pas lui raconter grand-chose. Ils voulaient fouiller chez moi et je leur ai dit de le faire s’ils avaient le courage de fouiller dans les affaires d’une pauvre femme. Le fameux Graniez a commencé à me faire la morale mais le chef policier lui a dit qu’il devrait avoir honte de parler ainsi. Le juge, lui, il s’est pas mouillé, il baissait les oreilles comme un petit lapin et il a parlé de partir, que mon cas était sans intérêt. Et ils sont partis. Une chose que je pense maintenant, c’est que ce nommé Graniez ne sait pas que je l’ai vu qui conduisait l’auto. Ou alors il sait et je ne suis pas en sécurité mais que faire ?
Le chef policier est revenu me poser quelques questions. Puis il m’a dit que moins j’en saurais et moins j’en dirais, plus je serais tranquille. Et de me méfier de tous ceux qui voudraient savoir quelque chose et que lui-même ne pouvait rien faire de plus. Mais que si j’avais, un jour peut-être, des renseignements sur cette affaire, surtout s’adresser à lui et à personne d’autre. Mais qu’il ne fallait rien espérer de bien extraordinaire car le dossier est verrouillé, il a dit cela comme ça. »
Il se passe sans doute quelques mois au cours desquels elle raconte sa vie, le restaurant où elle travaille, les clients, le temps qu’il fait et le temps qui passe. Puis arrive une dernière page :
« C’est sur le journal, le maire a démissionné et c’est le fameux nommé Graniez qui va devenir maire. Soi-disant que le maire avait, peut-être pas collaboré, mais eu une attitude un peu trop vers Pétain et les allemands. Ce serait ce Graniez qui l’aurait accusé. Ça va être propre, leur mairie avec ce drôle de coucut qui me plaît pas trop. Bon, il y était déjà mais c’est le poste de maire qu’il voulait il faut croire. J’espère bien que jamais plus je n’aurai à faire avec lui.
Ça n’en finira donc jamais, ce Graniez s’est fait tirer comme un lapin, il sortait de l’hôtel de ville, place de la mairie avec un autre qu’il était cul et chemise avec. Ce Graniez, il y est passé et l’autre est à Saint-Jacques, d’après le journal il a peu de chance de s’en sortir. Le tireur, comme ils disent, aurait disparu si vite, il a couru vers la rue de Cessac et on n’en sait guère plus. J’espère qu’ils vont me laisser tranquille et que ça n’a plus rien à voir avec mes patrons.
Le chef policier est venu me voir ce soir. Je lui ai demandé si on allait encore m’interroger. Il m’a dit non et qu’il venait juste me dire que la boucle était bouclée, que je pouvais vivre en paix.
J’arrête ce cahier. Il y a encore quelques pages blanches mais je vais le serrer dans une enveloppe et le mettre dans le tiroir, bien malin qui le trouvera. Maintenant que j’ai l’habitude, je pourrai continuer à écrire mes histoires de ma vie mais sur un nouveau cahier que je commencerai. »
(à suivre...)

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