-
Tu me pousses à la poésie, ce soir… Connais-tu
la chanson de Fortunio d’Alfred de Musset ?
-
Non,
qu’est-ce donc encore ?
-
Je
vais essayer de me rappeler. Ecoute : Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer(…)
Et je veux mourir pour ma mieQui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer(…)
Sans la nommer.
-
C’est de Musset, cela ?
-
Oui, et Fortunio, c’est toi, ah ah ! Bonne
nuit, soupirant éternel de ta mie sans la nommer !
-
Bonne nuit, René-la –Science !
*
Le lendemain matin,
malgré quelques douleurs subcapillaires, les deux compères repartirent vers
Agen pour la suite des opérations. Deux jours de plus, la maison était vidée et
nettoyée. René repartait avec un joli chargement et Albert, Fortunio devenu,
reprenait avec Charles leurs activités de maçonnerie.
Cette amitié entre Albert
et René ne plaisait pas trop à Christelle. D’une part, elle travaillait dans le
même hôpital psychiatrique que lui, à Villeneuve de Sciérac et d’autre part,
elle était assez critique au sujet de ses aventures galantes. Albert s’était
moqué de cette soudaine pruderie de sa part mais l’amour a des raisons qu’il
vaut parfois mieux ignorer, pensa-t-il. En effet, s’il avait raconté un épisode
de sa vie à René, il n’en n’avait rien dit à Christelle et il préférait garder
un prudent statuquo.
Christelle lui annonça
qu’elle l’invitait à manger un soir dans ce que l’on pouvait considérer comme
le meilleur restaurant d’Agen et des environs, ce qui sous-entendait une tenue
ad hoc.
Au début du repas, Albert
chercha à savoir si quelque occasion particulière justifiait cette soirée
exceptionnelle. Christelle lui demanda de regarder la carte, de choisir le ou
les vins et d’attendre d’avoir passé l’entrée pour en savoir plus. Il y avait
donc anguille sous roche.
Après l’entrée, faute
d’anguille, Albert avait pris une déclinaison autour du canard, splendide
assiette qui le laissa muet d’admiration. Christelle rompit le silence :
-
Maintenant que nous sommes dans le vif du
sujet, il faut que tu saches qu’il ne me faut pas d’occasion particulière pour
te gâter, pour nous gâter. C’est juste une question de moyens et je les ai. Si
tu veux me rendre mon invitation, nous pourrons aller là où tes moyens te le
permettent. Mais j’espère que tu es sensible au luxe des lieux et à la qualité
des mets.
-
J’y suis d’autant plus sensible que j’y
suis en ta compagnie !
-
Ta réponse est un peu ambigüe, laisse-moi
continuer. Donc, cela fait un bon bout de temps que je veux t’emmener ici.
C’est donc aujourd’hui, jour qui est un jour ordinaire mais dont j’espère qu’il
restera dans notre souvenir. D’autant plus qu’il faut que je te parle de
quelque chose qui me tient à cœur. Hou, je vois ton air inquiet, je te rassure
tout de suite : je ne vais pas t’annoncer que je divorce, que je
démissionne de Villeneuve pour venir m’installer à Agen. Ce serait plutôt le
contraire…
-
M’annonceriez-vous une rupture, très
chère ?
(à suivre...)
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