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jeudi 29 août 2019

Appelez-moi Fortunio (29)


-          Tu me pousses à la poésie, ce soir… Connais-tu la chanson de Fortunio d’Alfred de Musset ?
-          Non, qu’est-ce donc encore ?
-          Je vais essayer de me rappeler. Ecoute : Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer(…)
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
-          C’est de Musset, cela ?
-          Oui, et Fortunio, c’est toi, ah ah ! Bonne nuit, soupirant éternel de ta mie sans la nommer !
-          Bonne nuit, René-la –Science !



*

Le lendemain matin, malgré quelques douleurs subcapillaires, les deux compères repartirent vers Agen pour la suite des opérations. Deux jours de plus, la maison était vidée et nettoyée. René repartait avec un joli chargement et Albert, Fortunio devenu, reprenait avec Charles leurs activités de maçonnerie.
Cette amitié entre Albert et René ne plaisait pas trop à Christelle. D’une part, elle travaillait dans le même hôpital psychiatrique que lui, à Villeneuve de Sciérac et d’autre part, elle était assez critique au sujet de ses aventures galantes. Albert s’était moqué de cette soudaine pruderie de sa part mais l’amour a des raisons qu’il vaut parfois mieux ignorer, pensa-t-il. En effet, s’il avait raconté un épisode de sa vie à René, il n’en n’avait rien dit à Christelle et il préférait garder un prudent statuquo.
Christelle lui annonça qu’elle l’invitait à manger un soir dans ce que l’on pouvait considérer comme le meilleur restaurant d’Agen et des environs, ce qui sous-entendait une tenue ad hoc.
Au début du repas, Albert chercha à savoir si quelque occasion particulière justifiait cette soirée exceptionnelle. Christelle lui demanda de regarder la carte, de choisir le ou les vins et d’attendre d’avoir passé l’entrée pour en savoir plus. Il y avait donc anguille sous roche.
Après l’entrée, faute d’anguille, Albert avait pris une déclinaison autour du canard, splendide assiette qui le laissa muet d’admiration. Christelle rompit le silence :
-          Maintenant que nous sommes dans le vif du sujet, il faut que tu saches qu’il ne me faut pas d’occasion particulière pour te gâter, pour nous gâter. C’est juste une question de moyens et je les ai. Si tu veux me rendre mon invitation, nous pourrons aller là où tes moyens te le permettent. Mais j’espère que tu es sensible au luxe des lieux et à la qualité des mets.
-          J’y suis d’autant plus sensible que j’y suis en ta compagnie !
-          Ta réponse est un peu ambigüe, laisse-moi continuer. Donc, cela fait un bon bout de temps que je veux t’emmener ici. C’est donc aujourd’hui, jour qui est un jour ordinaire mais dont j’espère qu’il restera dans notre souvenir. D’autant plus qu’il faut que je te parle de quelque chose qui me tient à cœur. Hou, je vois ton air inquiet, je te rassure tout de suite : je ne vais pas t’annoncer que je divorce, que je démissionne de Villeneuve pour venir m’installer à Agen. Ce serait plutôt le contraire…
-          M’annonceriez-vous une rupture, très chère ?
 (à suivre...)

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