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dimanche 11 octobre 2020

Contes et histoires de Pépé J (6)

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Comme je l’ai dit, je parlerai encore d’écrivains locaux que j’aime particulièrement. Il y a quelques mois, je vous ai parlé d’un écrivain et poète de notre région, Thierry Metz. C’est un auteur tellement important à mes yeux que j’ai voulu lui consacrer deux chroniques, la première dans laquelle j’ai parlé de : « Le journal d’un manœuvre », je n’y reviendrai pas bien qu’il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre simple mais fulgurant. Cette fois, je vais parler de son dernier ouvrage intitulé « L’homme qui penche », chef d’œuvre de prose poétique et d’une certaine manière le testament du poète qui se donne la mort à l’hôpital de Cadillac, un peu plus de deux mois après la fin de son livre qui se termine le 31 janvier 1997.

 

Autodidacte en tout, il travaille comme manœuvre, maçon, ouvrier agricole. Mais il a en lui un grand œuvre, c’est sa plume. Il écrit des proses et des poèmes avec un succès certain. Mais, cerné par la neurasthénie après la perte brutale et accidentelle d’un enfant, il va tenter de se soigner de son addiction à l’alcool à l’hôpital de Cadillac en Gironde. En ce lieu, il trouvera matière à écrire cet étonnant petit livre, au jour le jour, en décrivant d’une plume simple et infime les ombres et les lueurs des couloirs du pavillon Charcot.

 

Tout commence ainsi : « 1. Centre hospitalier de Cadillac en Gironde, Pavillon Charcot. Octobre 1996. C’est l’alcool. je  suis là pour me sevrer, redevenir un homme d’eau et de rhé. J’envisage les jours qui viennent avec tranquillité, de loin, mais attentif. Je dois tuer quelqu’un en moi, même si je ne sais pas trop comment m’y prendre. Toute la question ici est de ne pas perdre le fil. De le lier à ce que l’on est, à ce que je suis, écrivant. »

 

 Quand il écrit ce que je suis, écrivant : il se définit mieux que je ne l’ai fait en le disant écrivain et poète. Car l’homme qui penche, c’est celui qui, penché sur sa table et sur son cahier, penché sur son œuvre et sur le monde, trace sur sa feuille la vérité de la substance des rapports entre lui et les autres. Il dit : « Je ne me se lasse pas d’observer ces visages, d’y mêler le mien. Rien pourtant n’éloigne plus que cette proximité. L’homme qui penche est un être encordé. Encordé mais pas lié. »

 

Au fil de quatre-vingt-dix pages se déclinent quatre-vingt-dix poèmes et autant de jours passés à affronter ce Léviathan qui est en lui, à croiser toutes ces âmes en peine qui tirent leurs longues journées, recherchant qui une cigarette, qui une présence. Et en tout cela, cet être étrange, l’écrivant dont les yeux et tous les sens sont en éveil dans une somnolence attentive, qui filtre la vérité des souffrances, qui trie le peu d’exprimable qu’il y a dans la pesante réalité de cette psychiatrie dolente et qui fait naitre de l’écume du temps quelques bribes d’authenticité.

 

Et à la page 37 : « Je pourrais rester ici longtemps. Dans le pyjama réglementaire. Manger chaque jour le petit pain de ce que pétrit le temps. Bon ou mauvais. »

 

Puis la dernière page : « Rien n’a bougé. Le mur est intact. Le maçon n’est lié qu’à ce qu’il fait. Et qui tient. Voilé par la mort. Que toute présence nous voile. »

 

Pour terminer, je citerai un autre poète, Jean-Marie Leclercq : « Le poème, quand il est vraiment poème, est sans conteste, (…) une insurrection de la conscience… »

 

Voilà, c’est tout et c’est une vraie histoire.

 

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