Le temps très ensoleillé lui permet de faire encore de belles randonnées. Il reçoit son ordinateur le mardi et la semaine se termine sans qu’il s’en aperçoive. Le samedi, en tout début d’après-midi, il décide quand même de faire un saut chez Marondeau, bien que ce soit un jour où il y a davantage de clients.
Il pousse la porte et voit Raymond qui lève les bras au ciel.
– Mon cher Hervé, vous ne pouvez pas mieux tomber, j’ai besoin de vous immédiatement, est-ce possible ? demande l’antiquaire.
– Je ne sais pas ce que vous allez me demander, mais dites toujours, si je peux vous être utile, ce sera avec grand plaisir…
– Je vous explique, mais d’abord je vous prie de m’excuser pour cet accueil sans ménagements, ajoute-t-il en souriant. Comment allez-vous depuis tout ce temps ?
– Bien, très bien, mais et vous, que vous arrive-t-il que vous ayez ainsi besoin de moi ?
– Madame Le Blévec, vous vous souvenez ?
– Oui, elle est venue l’autre jour et vous m’avez fait brièvement sa notice biographique après son départ, répond Hervé.
– Chut, chut, oubliez tout cela pour le moment, on pourrait nous entendre. Madame Le Blévec, donc, veut qu’on lui amène cet après-midi le tableau, vous savez, la marine de Leyden que je lui ai proposée. Il faut la lui porter, décrocher un tableau de son salon et suspendre cette marine à la place. Le tableau est assez grand et l’on n’est pas trop de deux pour ce travail. J’ai quelqu’un qui me fait habituellement mes transports et les petits travaux nécessaires à la mise en place des meubles que je vends. Ce monsieur s’appelle André, il va arriver. Mais à mon âge, vous comprendrez que je ne puisse lui être d’aucune utilité et j’ai toujours été absolument nul pour ce genre de choses. Alors que vous, qui êtes encore jeune…
– Plus jeune que vous, en effet, Raymond. Je suis à votre disposition, mais je n’ai que mes deux bras.
– André est un homme formidable, vous verrez, il a tous les outils qu’il faut, vous irez avec lui en voiture chez Le Blévec et je suis sûr que vous vous en sortirez fort bien. Et surtout, laissez parler André, c’est un technicien, mon factotum habituel et il sait ce qu’il faut dire ou ne pas dire avec ces gens. Vous avez vu comme elle est, il ne faut pas la froisser.
– Je serai aussi transparent que l’autre jour au magasin, lors de la visite de Madame Le Blévec. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais elle ne m’a même pas aperçu…
– Surtout ne dites que le strict nécessaire et faites comme André vous le dira. Vous me sauvez la mise, mon cher ! André a besoin d’un aide, c’est fragile, un tableau… Ah, le voilà, bonjour mon cher André. Je vous présente mon grand ami Hervé Magre, il a accepté de vous accompagner chez Madame Le Blévec.
– Bonjour, Monsieur Magre, votre présence sera nécessaire, merci beaucoup. Je vais décrocher le tableau, où est-il ? interroge André.
– Attention, attention, dit Marondeau, c’est fragile un tableau. Mais je vous fais entièrement confiance. Suivez-moi.
Avec l’aide d’Hervé, André décroche le tableau. Il l’emballe soigneusement dans plusieurs couches de papier kraft, puis dans une ample couverture. Ils prennent le tableau et sortent du magasin. La voiture d’André est une vétuste deux chevaux fourgonnette, mais il pose avec soin le paquet et invite Hervé à monter du côté passager.
– En avant, dit-il en démarrant, vous n’avez pas peur dans mon bolide ?
– Oh, vous savez, j’étais mécanicien, j’en ai vu de toutes sortes et celle-ci me rappelle le bon vieux temps, répond Hervé.
– Une chose, Hervé, enfin vous permettez que je vous appelle Hervé ? s’exclame André qui, sans attendre la réponse, poursuit. Une chose donc, laissez-moi à la manœuvre chez Le Blévec, contentez-vous de faire ce que je vous dis. La mère Le Blévec, c’est une chieuse et une chose est certaine c’est qu’elle va nous casser les couilles, si je peux dire. Mais on est payé pour ça. Enfin, moi en tout cas… Donc, vous me laissez faire, je m’en démerde de la vieille, je la connais. Et puis, à tout prendre, je préfère avoir affaire à elle plutôt qu’à son mari. Il est tellement con qu’on ne peut rien en sortir. Elle au moins, elle sait ce qu’elle veut et quand elle a une idée dans la tête, elle ne l’a pas ailleurs, il suffit d’en tenir compte…
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