Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vous présente aujourd’hui un roman de Georges Coulonges, publié en 1993 aux Presses de la cité et intitulé « Les terres gelées ». L’histoire se passe du côté de Castelnau-Montratier, Tarn-et-Garonne en septembre 1992, au moment où le gouvernement met en place sa politique de jachères et de gel des terres dans le cadre de la Politique Agricole Commune.
Au début du livre, il est question d’un barrage organisé par les agriculteurs en colère qui grognent contre la mise en place de cette politique agricole. Le barrage de tracteurs est installé sur la route entre Valence d’Agen et Montauban et s’y retrouvent les exploitants du coin. Vous aurez remarqué que je n’ai pas utilisé le mot paysan car ces manifestations ont lieu à l’appel du syndicat agricole dominant qui est la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, je m’en voudrais donc de les priver de leur glorieux titre d’exploitants.
Revenons à notre barrage : Arnaud, personnage principal, en fait partie avec son tracteur et il constate qu’ils sont plus nombreux qu’on aurait pu le prévoir ; cela signifie que les choses vont mal, dit-il. La journée se passe sans incidents particuliers, sous l’œil débonnaire des gendarmes puis arrive une 4L verte avec, au volant, Olinka qui n’apprécie pas d’être retardée car elle est attendue à Montauban.
Tout va commencer ce jour-là entre elle et Arnaud. Mais entre eux, ce sera une histoire du genre : « Pars vite et reviens tard » et « Je t’aime, moi non plus ». Et, entre eux, il y a la petite Sandrine, elle sait ce qu’elle veut celle-là, elle ressemble à son Pépé. Sauf que ce qu’elle veut, ce n’est pas tout à fait ce que veut le pépé. Car pour lui, c’est la terre qui compte et ce qu’il y a entre un homme et une femme, ça doit agrandir la propriété. Et pour Sandrine, l’important c’est d’aimer mais aussi de savoir, en fin de compte s’effacer pour le bonheur des autres.
Cette histoire de terres, de récoltes, de semailles et de bétail se termine par l’amour qui va relier Arnaud et Olinka mais aussi par la mort du pépé qui, en filigrane, fera apparaître que lui-même, lui qui a toujours voulu tout commander et tout maîtriser, lui qui a toujours pensé terre et argent, lui qui était prêt à faire trébucher les autres pour se repaître de leurs déboires, il avait un amour silencieux pour la mémée d’Arnaud, dans un silence partagé avec elle. Ce n’est qu’un médaillon que la mémée confiera à Olinka qui permettra de lever légèrement le voile puisque les deux amants platoniques mourront à quelques heures d’intervalle.
C’est un beau livre, il parle vraiment de la vie à la terre avec ses joies et ses pleurs, avec sa solitude et ses solidarités. Cette histoire sent bon la ferme, l’étable, les fleurs sauvages et les halliers. Les travaux et les jours sont décrits dans leur simplicité et la soupe y a la saveur du feu dans l’âtre, avec la mémée au cantou.
Pour terminer, je donnerai mon avis sur ce qui fait le titre du livre, le gel des terres. L’auteur fait la part belle à la vision productiviste du syndicat agricole dominant. C’est-à-dire que c’est un épouvantail commode pour que les gros exploitants envoient les petits au casse-pipe ; « manifestez, manifestez » leurs disent-ils en attendant de tirer profit de la situation. Cet épouvantail est le suivant : « Quelle honte de nous obliger à geler des terres pendant qu’une partie de l’humanité meurt de faim ! » Je vais y répondre simplement :la jachère est un mode de culture ancien qui a été abandonné au nom du productivisme, ne permettant plus le repos des terres. Ensuite, ce n’est pas en envoyant du blé à des populations dont la base alimentaire est le riz qu’on les sauvera de la famine.
Cric crac, c’est tout et c’est une vraie histoire.
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