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jeudi 27 mai 2021

Dernier tableau (30)

Je choisis la deuxième solution, je suis venu en bus et je ne souhaite pas faire faire trop d’allers-retours à ce tableau. Je voudrais aussi me promener en ville et je serais plus serein sans avoir ce tableau sous le bras.

– Vous pouvez le laisser ici le temps de votre promenade et le reprendre en partant, si vous le voulez…

– Non, non, votre deuxième proposition me convient bien. Que me proposez-vous comme cadre ?

 

Dussieu se lance alors dans une série de suggestions et noie un peu Hervé sous ce flot. Mais en définitive, ils arrivent à resserrer les propositions.

 

– Alors, dit Hervé, si mon choix se portait sur un cadre comme celui-ci et de cette belle couleur beige que vous m’avez fait voir, combien cela me couterait-il ?

– Passons en effet aux choses sérieuses, répond Dussieu en consultant son tarif. Cela vous couterait cent-vingt-cinq euros.

– Bien, ça marche, on part là-dessus. Qu’en pensez-vous ?

– Oui, franchement, je pense que vous allez mettre en valeur cette peinture. Je suis heureux de voir que c’est un Dussieu qui va encadrer cet autre Leyden, mais il faudra que vous m’expliquiez comment il se fait que Leyden ait peint un paysage, lui qui est réputé n’avoir peint que des marines…

– Oui, nous en parlerons, mais l’heure avance. Nous pourrions peut-être passer à la deuxième phase de l’opération.

– Bien sûr, vous avez raison, il est déjà onze heures et demie. Je vais donc le sortir de ce cadre.

 

Dussieu pose le cadre à l’envers sur un établi et découpe le papier qui ferme le dos de l’encadrement. Délicatement, il extrait les petites pointes qui maintiennent un fort carton qu’il soulève. Apparaît un cadre sur laquelle est fixée une toile. Il soulève délicatement l’ensemble de faible épaisseur et à leur étonnement il retourne une toile qui n’est pas un paysage mais un petit portrait en pied d’une très jeune fille, une très jeune paysanne fort jolie, habillée simplement. Son regard est triste, le teint un peu jaune et elle a les deux mains jointes au niveau du bas-ventre.

Ils sont tous deux fascinés par ce portrait subtil et inattendu.

 

– C’est extraordinaire, dit Dussieu. Il y avait deux tableaux superposés. Et regardez au dos de l’autre toile, je vous le disais.

 

Il montre un petit collant ovale avec la mention : « Dussieu – Encadreur – Morlaix ».

 

– C’est bien mon père qui a réalisé ce cadre, par contre le tableau ne porte pas de signature.

– En êtes-vous certain ? demande Hervé. Regardez, on dirait que la toile a été repliée et que la signature est sur le bord…

– Vous avez raison, ma foi, dit Dussieu. La toile était sur un cadre plus grand, mais elle a sans doute été refixée sur un autre, légèrement plus petit. Et moins épais, de manière, dirais-je, à pouvoir entrer dans le même cadre que le paysage. Un instant, s’il vous plait.

 

Dussieu pose le portrait sur une table et dégage doucement la deuxième toile du cadre. Cela fait, il les pose côte à côte. Il examine les signatures et conclut :

 

– Pas de doute, les deux signatures sont identiques, si vous avez la certitude que le paysage est d’Artur Leyden, alors il est à peu près certain que le portrait est aussi de lui. Quoi qu’il en soit, c’est bien la première fois que cela m’arrive : cela n’est pas courant de voir deux toiles superposées et de plus, ce travail a été fait ici même par mon propre père. Je suis franchement éberlué…

– Ce serait donc votre père qui aurait fait ce cadre ?

 (à suivre...)

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