Sara reste absorbée dans un examen minutieux de la peinture, puis de la signature.
– Vous le connaissez personnellement ?
– Absolument pas, celui qui a peint cela est mort depuis longtemps, ce tableau date des années cinquante, répond Hervé.
– Je peux savoir son nom ?
– Oui, il s’appelle, ou plutôt il s’appelait Artur Leyden.
– Je ne vois pas qui cela peut être. Mais vous avez là un fort beau tableau, commente Sara.
– Excusez-moi, intervient Édith, mais son nom me dit quelque chose. Les Leyden étaient une vieille famille de la ville et les sœurs Leyden ont longtemps tenu un commerce et un salon de thé fréquenté par la bourgeoisie lambairienne. Mes parents, qui n’étaient que des petits commerçants, en parlaient comme d’un magasin assez chic. Et il y a bien eu un frère qui a eu un accident, il est tombé de la falaise, je crois.
– Je pense que c’est bien de lui qu’il s’agit, répond Hervé.
– Un homme un peu bizarre, je me souviens, les gens l’appelaient Sherlock Holmes car il était habillé comme lui, la même cape en tout cas. Il était peut-être bien peintre. Mais je ne sais rien de plus sur lui. Il a vendu beaucoup de tableaux ?
– Je ne sais pas, mais il a eu un certain succès. Il peignait plutôt des marines, je crois qu’il y en a au musée de Saint-Lambaire. Ce tableau est un peu atypique de sa production, si je peux dire.
– Des marines ? interrompt Sara. Et il y en a ici au musée ? J’ai dû les voir, mais je ne me souviens plus du nom. Et vous avez pu faire authentifier ce tableau ?
– Oui, j’ai un certificat d’expert en bonne et due forme. Mais, je vous en prie, que ceci reste entre nous. Ce tableau n’est bien sûr pas d’une valeur inestimable, mais je ne voudrais pas qu’il se mette à attirer des convoitises. C’est une grande joie pour moi de jouir de cette belle œuvre d’art, mais une chance aussi de l’avoir acquise pour une somme plus qu’abordable en regard de mes moyens.
Hervé ne souhaite pas continuer plus avant sur le sujet et il le fait comprendre en proposant de redescendre chez Édith, où ils n’ont pas terminé leur café. Toutefois, en arrivant dans le salon, Sara revient à la charge.
– Vous savez, je fais des peintures originales, mais j’ai aussi eu une activité de copiste. Il m’est arrivé de faire, en toute légalité, des copies de tableaux de maître. J’allais, avec une autorisation spéciale bien sûr, faire des copies dans les musées. Cela m’amuserait assez si vous m’autorisiez à faire une copie de votre tableau…
– Vous me prenez vraiment au dépourvu, répond Hervé, il faut que j’y réfléchisse, je ne connais rien à tout cela, excusez-moi.
– Rien ne presse, rien ne presse, réfléchissez-y. Mais maintenant que vous nous avez présenté votre tableau, je compte bien que vous viendrez un de ces jours voir ma peinture. Tenez, dit Sara en fouillant dans son sac, voici ma carte, appelez-moi dès que vous connaitrez votre disponibilité.
– Je n’y manquerai pas, je n’ai pas oublié que vous avez vos cours le jeudi.
Il prend congé des dames et remonte chez lui, un peu perplexe. Il pensait que ce petit tableau vivrait tranquillement son incognito dans son appartement et voilà que ces deux commères sont déjà sur le coup… Cette Sara, bien sûr, il aurait du mal à lui refuser quoi que ce soit, elle est charmante. Et pour tout dire, pense-t-il, plutôt bandante. Il se réprimande pour cette pensée en se disant que ce n’est plus de son âge. Il entre dans son appartement et jette un regard amusé au petit Leyden. En voilà un qui a décidé de sortir de sa réserve…
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