– Non, je ne le connais pas mais j’ai eu l’occasion l’autre jour de rencontrer une dame, une peintre qui expose quelques toiles dans cette galerie et je voulais les voir. Je ne sais pas si vous connaissez Madame Weill-Lucet !
– Ce nom me dit quelque chose, je crois qu’elle est venue ici et j’ai peut-être fait un cadre pour elle. Je ne sais plus. En tout cas, si vous me laissez une grosse heure, disons deux maximum, vous pourrez repartir avec votre portrait. Bien sûr, il vous faudra revenir pour l’autre tableau.
– Mon bus est à seize heures trente-huit à la gare routière, je repasse à quinze heures trente, qu’en pensez-vous ?
– Je ne vous ferai en aucun cas manquer l’heure. Allez donc visiter la galerie Lautort, vous pouvez y aller de ma part si vous le voulez, vous serez bien reçu.
Il part donc d’un pas tranquille. Ce dédoublement du tableau le laisse tout de même un peu perplexe. Comment se fait-il que nul n’ait été intrigué par l’épaisseur du cadre ? Et qu’est-ce qui a poussé Leyden à cacher ainsi ce portrait ? Dussieu père avait peut-être la réponse, mais il n’est plus. Il reste ses carnets, pour autant que son fils les retrouve…
Plongé dans ces réflexions, il arrive à la galerie Lautort. Il veut pousser la porte, pas de chance, la galerie n’ouvre qu’à quinze heures. Il se retourne et se retrouve nez à nez avec un quadragénaire qui lui sourit.
– Bonjour monsieur, vous veniez pour voir ma galerie ?
– Oui, je viens de la part de monsieur Dussieu. Il fait un petit travail pour moi en ce moment et m’a suggéré de visiter votre galerie.
– Vous avez de la chance, je n’ouvre pas avant quinze heures, mais je ne vais pas laisser devant la porte quelqu’un qui vient de la part de monsieur Dussieu. Je suis là, je vais vous ouvrir, vous êtes le bienvenu.
– Je ne voudrais pas déranger…
– Non, pas du tout, je vais allumer, entrez donc. Je vous laisserai visiter à votre aise. Vouliez-vous voir quelque chose en particulier ?
– Je suis de passage à Morlaix et j’ai rencontré dernièrement madame Weill-Lucet qui m’a parlé de votre galerie.
– Double recommandation alors…
– Madame Weill-Lucet ne sait pas que je suis ici, je serais seulement heureux de voir ce qu’elle fait.
– Ses toiles sont dans l’autre salle, vous voyez la porte au fond ? Elle fait des choses très intéressantes, vous verrez.
– Je ne suis pas un connaisseur, loin s’en faut. Et je vais vous avouer que je ne suis pas un acheteur potentiel, mes moyens me permettent bien peu de choses.
– Peu importe, si vous aimez les belles œuvres, vous êtes le bienvenu. Il y a aussi des sculptures ici. Je ne vous demande qu’une seule chose : si vous avez apprécié mon accueil et les œuvres présentées, dites-le autour de vous, faites-moi un écho favorable et vous me ferez non seulement plaisir mais aussi la meilleure des publicités. Je vous laisse visiter et si vous avez besoin de moi, je suis là.
Hervé se met donc à flâner dans la galerie, mais assez impatient de voir ce que fait Sara, il passe donc dans l’autre salle. Il cherche et trouve assez vite quatre toiles figuratives. Une nature morte qui lui semble assez banale, deux paysages qui lui plaisent et le dernier qui représente un groupe, un peu comme une étude, diverses femmes suivant des profils différents. Ce dernier lui plait beaucoup. Il contemple ensuite les autres tableaux, les sculptures et, avant de quitter cette salle, il examine de nouveau les toiles de Sara. Revenu dans la première salle, il en fait à nouveau le tour. Il trouve qu’il y a une bonne cohérence dans la diversité des œuvres exposées. Il s’apprête à repartir lorsque le galeriste s’adresse à lui.
– Vous avez vu ce que vous vouliez voir ?
– Oui, j’ai fait le tour. J’aime beaucoup l’étude de visages de madame Weill-Lucet.
– Oui, Sara fait de belles choses. Et que pensez-vous de la nature morte ?
– Ce tableau ne me dit rien, mais je vous l’ai dit…
– Bien sûr, je peux comprendre mais j’aime beaucoup ce tableau. Les couleurs et le fond… Elle arrive là aux limites du figuratif et de l’abstrait. Quand Sara passera à l’abstrait, elle trouvera sa voie, vous verrez…
– Je ne voyais pas les choses comme cela, il faut peut-être que je réexamine ce tableau…
– Venez, allons-y ensemble, j’aime partager mes goûts. Mais rassurez-vous, je ne chercherai pas à vous les imposer.
(à suivre...)
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