En vedette !

jeudi 21 août 2014

Le cabot de Fortunio (7)

Force est d’admettre que ce putain de toutou se réfugie chez moi comme si j’étais son maître. Mais je n’ai nullement l’intention de m’embarrasser d’un animal.
-          Un instant, dis-je, je veux bien le garder pour cette nuit mais demain je vous le dépose à la brigade si vous ne m’avez pas trouvé une solution. A la limite, je peux aller au chenil départemental mais à deux conditions : la première que vous me fassiez une attestation ou un truc du genre me permettant de juste jouer le transporteur et qu’aux yeux des gens du chenil je ne passe pas un gars qui se débarrasse d’un clébard…
-          Et la deuxième ? demande Moustache, le sourcil en accent circonflexe.
-          La deuxième, qui est de surcroît la seconde, est que ce cador monte dans ma fourgonnette de son plein gré et qu’il s’y tienne tranquille. Alors, qu’en pensez-vous ?
-          Je passerai un coup de fil au chenil demain matin, répond Livron, appelez-moi en milieu de matinée, disons… vers dix heures. Ça vous ira ?
-          Bien, alors passons à la suite si vous voulez bien. Allons, La Flèche, viens voir si tu acceptes de monter dans ma limousine de luxe.
Le cabot me suit comme si j’étais son maître et comme s’il s’appelait La Flèche. J’ouvre la porte arrière et il saute dans ma fourgonnette sans hésiter. Je ferme la porte.
-          C’est pas possible ou alors son maître est maçon lui aussi, dis-je, étonné.
-          Bon, nous on continue nos constatations, déclare Livron. A demain, monsieur Forelle ! déclare Livron.
-          A demain, dis-je à la cantonade. Bonne nuit, messieurs !
Les pompiers et les flics retournent à leurs occupations. Queutard me jette bien un sournois regard en biais et je réprime une violente envie de lui décocher un  subtil doigt d’honneur. Je monte à l’avant de mon coursier et retour dans mes pénates.
Arrivé à la maison, je fais sortir le clébard qui descend en frétillant, il  fait un petit tour du terrain mais lorsque j’ouvre la porte de la maison, il en profite pour se glisser à l’intérieur. Bon, pour une nuit, je ne vais pas me formaliser. Je cherche quelques restes de barbaque et une bouteille de lait dans mon frigo puis je lui prépare une soupe avec quelques bouts de pain. Mirza ne semble pas emballé par le pain mais il fouille un peu dans la gamelle et déniche les morceaux de viande qu’il avale avec plaisir. Je lui mets une autre gamelle avec de l’eau puis j’étends une vieille couverture dans un coin de la cuisine. Cela fait, je me prends un morceau de saucisse sèche, un quignon de pain et un verre de rouge car j’ai les crocs. Une fois sustenté, la Flèche  vient se coucher à côté de ma chaise en poussant un grognement que j’interprète comme étant de satisfaction. Je termine mon médianoche, je me lève et m’apprête à aller me coucher. Le chien fait mine de me suivre mais je lui indique fermement la direction du coin où une vieille couverture l’attend. Vu son refus de m’écouter, je l’y traîne et lui intime de rester sur place. Nouveau refus de l’intéressé qui recommence à me suivre. Cette fois, je me fâche et j’élève la voix. Je ne vais tout de même pas me laisser emmerder par ce clebs et j’ai sommeil, moi. Je le chope par le colback et le ramène à sa couverture. Il a le malheur de me grogner dessus et je me fous en rogne. L’animal est intelligent car il ne comprend pas mes paroles mais il a vite reconnu la musique : il se couche sur sa couverture et me regarde avec un air misérable. Sans un seul geste amical, digne, imperturbable, je quitte la pièce après avoir éteint la lumière. Non mais, il est plus de trois heures quand même avec tout cela !

*
(à suivre...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire