Nous nous assîmes à la terrasse de l’Ecu Sonnant, un bistrot qui me parut vivant et accueillant. Mon ami semblait réticent, s’assoyant après avoir essuyé la chaise avec son mouchoir. Il jetait des regards inquiets autour de lui et accepta à grand peine que je lui commande une anisette. Disons bien que les anisettes de la ville haute sont généreusement servies et accompagnées de tapas de toutes sortes. Dès que nous fûmes servis, une demi-douzaine de joyeux compères nous interpellèrent :
-
Señores, nous ne vous connaissons pas mais nous vous saluons !
Pouvons-nous savoir si vous êtes de Caracapenata ?
-
Je ne suis pas d’ici, en effet, mais mon ami ici présent, le
señor Cussotile, est de la ville, répondis-je.
-
Hombre, vous d’ici ! Ma jé né vous ai jamais vou,
déclara un moustachu basané.
-
C’est qu’il est de la ville basse, interviens-je.
- Pauvre homme !
reprit le premier. De la ville basse en effet, je comprends votre air si
mélancolique. Je suppose que vous venez ici pour voir si vous pouvez changer de
quartier, la ville basse est si triste…
- Non, non, je ne
veux nullement changer de quartier, répondit Ernesto, je suis venu ici à l’invitation
de mon ami PJRF mais je ne compte pas m’attarder…
- Allons, allons,
señor, venez nous voir plus souvent, vous verriez comme la vie est plus
agréable ici, loin de vos rues tracées au cordeau, de vos trottoirs en pavés de
Chine et de vos petites maisons avec vos petits portails et vos petites clôtures…
- Comment
osez-vous dire cela ? s’exclama notre Ernesto.
- Ma, señor,
reprit le moustachu, aussi vrai qué jé m’appelle Serge-Jean Garcia jé vous dis
qué jé souis allé dans vos Calle basses et jé vou dé mé zio vou cé qu’il dit !
- Señor, reprit le
premier, je ne juge pas chez vous, seulement je vous dis : venez de temps
en temps nous voir, venez boire une anisette avec nous et vous verrez comme la
vie est belle et fraîche ici. Nous vous présenterons nos amis, nous vous ferons
visiter notre quartier…
Ce fut
à ce moment qu’un petit troupeau de chèvres passa au son de légers grelots et
semant derrière elles un tapis de petites perles noires. Ernesto les regarda,
comme pétrifié. Je fus le seul à comprendre ce qui se passait en lui, il
pensait revivre le rêve qu’il m’avait raconté certainement. Puis il jeta un
regard circulaire sur notre petite assemblée avant de finir son verre cul-sec.
- Il se fait tard,
messieurs, je dois rentrer à la maison car c’est l’heure de la télévision. Mais
je vous promets que je reviendrai encore cette semaine. Vous me ferez connaître
la ville haute ? demanda-t-il.
- Oui, je n’ai qu’une
parole, señor ! déclara le premier. Si vous ne me trouvez pas ici,
demandez Bernardo. Tout le monde me connaît !
- A bientôt, señores,
comptez sur moi ! déclara Ernesto avec emphase.
- Arrivederci, señor
Cussotile ! Qué lé cou vous pèle et…, conclut Serge-Jean.
(…)
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