Avant de partir, le gonzier me lâche quand même une info intéressante :
il a des voisins, les Bretonet, des paysans qui ont pas mal de hangars et de
matériel. Au petit matin, ils ont entendu aboyer les chiens. Le mari s’est levé
pour aller voir, il n’a rien remarqué de spécial puis il a entendu un bruit de
moteur. Il a une vieille Express dont il se sert pour aller dans les champs, la
clé est toujours sur le contact. La bagnole lui est passée sous le nez, volée.
Bien sûr, Bretonet n’était pas content mais on aurait pu lui faucher sa 605.
Sauf qu’il n’y avait pas les clés dessus. Ça le faisait bien marrer, un peu
jaune, car le réservoir était quasiment à sec, c’est le genre d’utilitaire dans
lequel il met le gas-oil par coup de cinq ou dix litres, pas plus. Il a couru
chercher les clés de la 605, il a foncé au cul du gonze mais trop tard, le gars
avait déjà disparu, impossible de savoir dans quelle direction. Donc, le
Bretonet est allé directement à la Gendarmerie de Vézeral pour porter plainte.
Le planton de service lui a dit de revenir plus tard, la brigade a été sur les
dents toute la nuit avec une histoire d’accident. Donc le Bretonet est revenu
chez lui, histoire de casser la croûte, c’est pas un bileux, lui. Et il a bien
raison car, à peine son petit déjeuner terminé,
un paysan de Saint-Barthélemy qu’il connait vaguement lui téléphone pour
lui demander si c’est bien sa voiture qui est dans son champ, à moitié dans un
fossé, la portière ouverte et les clés sur le contact. Le gars avait trouvé
cela bizarre, personne dans les parages. Il avait trouvé du courrier au nom de Bretonet
dans le véhicule, et avait décidé d’appeler chez Bretonet. Ce dernier, ni une
ni deux, il fonce sur place et récupère son Express. Tout est bien qui finit
bien, la voiture n’a rien et il y a encore un peu de carburant. Ils en étaient
à se demander pourquoi le voleur avait abandonné la caisse à cet endroit-là
quand un vieux qui revenait des champignons à mobylette leur a expliqué qu’il
avait vu une voiture noire garée le long de la route, puis cette fourgonnette
est arrivée, elle est entrée dans le champ, un gars en est sorti comme une
fusée sans fermer la portière et il est monté dans la voiture noire. Bon, le
vieux a vu ça de loin, il était dans le bois à trois ou quatre cents mètres,
lui aussi ça l’avait intrigué mais il a continué son tour dans le bois en se
disant qu’il jetterait un œil en repassant par là. Le propriétaire du terrain
conseillait à Bretonet de ne toucher à rien et de prévenir les flics mais
l’autre était content de récupérer sa vieille bagnole et il est reparti avec.
Avant d’arriver chez lui, il a croisé Dingley et lui a raconté l’histoire en
lui disant de se méfier car maintenant les voleurs piquent n’importe quoi
pourvu que ça roule.
Une fois Dingley hors de ma vue, cette histoire me laisse rêveur. Dingley
habite à moins d’un kilomètre de chez Bretonet, ce dernier est, à la louche, à
trois ou quatre kilomètres du bois des Copiaudes. Le cascadeur à la béhème
aurait eu bien le temps de faire le trajet à pied… et me voilà parti dans des
conjectures invraisemblables. Je repense au chien qui est toujours dans ma
fourgonnette, je vais aller le délivrer car il y est depuis près de deux
heures.
J’ouvre la porte arrière, le chien saute en vitesse et je constate l’étendue
des dégâts. J’avais – je dis bien
j’avais
– deux sacs de ciment. L’emballage est déchiré et il m’a foutu du ciment
partout, un foutoir incroyable. Je vois mon cador qui se promène et s’ébroue en
levant un nuage de poussière. La rogne me prend. Je commence par l’engueuler
après l’avoir saisi par le collier ensuite je le traîne jusqu’au hangar où,
avec une brosse en chiendent, j’essaye d’évacuer la poussière qu’il a dans les
poils. Je lui fais prendre une douche colossale au tuyau d’arrosage pour diluer
au maximum tout ce qui reste. Et enfin, je nettoie ma fourgonnette qui en avait
certainement bien besoin.
(à suivre...)
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