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dimanche 14 décembre 2014

Chronique du temps exigu (135)

Les vieilles amitiés s’improvisent, disait Georges Courteline. Et c’est bien ce qui nous arriva.
Tombé avec une échelle en posant une citrouille sur son toit, Iannis Psittakis ne dut son salut qu’à mon intervention efficace. On lui avait bien dit : si tu montes sur une échelle, tiens-toi bien ! Il se tenait donc à son échelle mais c’est celle-ci qui négligea de se bien tenir et ils tombèrent ensemble sur le sol. Dans la chute, le malheureux Iannis se prit la tête entre deux barreaux et il ne put s’en dégager une fois arrivé au sol, quelque peu contusionné. Il eut beau appeler à l’aide, nul ne l’entendit. Moi-même, je déambulais au guidon de ma cyclomotorette sur la côte Est de l’île de Guacamole lorsque mon moteur s’arrêta sans crier gare. Et c’est à ce moment-là que je perçus les cris de Iannis qui avait réussi à se servir d’un barreau de son échelle en guise de porte-voix (les échelles en aluminium ont des barreaux creux qui portent fort bien le son). Je me précipitai donc au secours de celui avec qui j’allais improviser une vieille amitié de ô combien d’années à venir. Tel le grand Zampano[1] brisant la chaîne de sa poitrine, j’écartai, à biceps-que-veux-tu, deux barreaux de l’échelle, libérant ainsi notre homme. Ce dernier me remercia chaudement, ce qui me permit de remettre en place les deux barreaux tordus. Iannis me raconta alors qu’il était à la recherche d’une voie professionnelle car le métier de poseur-de-citrouille-sur-son toit n’est guère rémunérateur et, comme on l’a vu, il est dangereux.
C’est là que notre rencontre fut déterminante pour lui car je fis observer qu’il avait une voie qui était sa voix de ténor du barreau (d’échelle, certes…). Vous avez bien reconnu en cela mon esprit d’à-propos, lui aussi d’ailleurs car malgré qu’il marchât en travers il se tourna sans hésiter vers des études de droit. Après quoi il s’inscrivit comme avocat au barreau de Guacamole dont il est même à ce jour le bâtonnier, ayant succédé au regretté avocat Mayonez.
Après cette aventure, je rejoignis le continent à marée basse car, comme vous le savez, Guacamole est une île à marée haute et une presqu’île à marée basse : on peut donc la rejoindre en cyclomotorette à pneu sec pour peu qu’on prenne le temps d’attendre le reflux.



[1] Dans « La strada » de Fellini, bien sûr !

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