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dimanche 31 janvier 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (19)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. En ces temps de fêtes de fin d’année, la spiritualité est mise à rude épreuve. En effet, les traditions et le commerce ont fait des fêtes religieuses ce que les marchands avaient, en leur temps, fait du temple, à savoir un grand bazar dont le sens échappe à bon nombre d’entre nous. D’aucuns pensent que Jésus est né au pied d’un sapin un jour où il neigeait à Bethléem et où les ours blancs couraient dans les rues.
Peut-on ne croire en rien ou douter de tout ? Et est-ce la même chose ? Disons qu’il est plus simple de ne croire en rien car douter de tout demande une attention soutenue et de tous les instants. Celle ou celui qui ne croit en rien peut se promener en batifolant, humer le parfum d’une fleur en flânant, capter le sourire des passantes, admirer rivières et ruisseaux sans chercher ni à comprendre ni à expliquer. Mais s’il veut traverser la rivière et passer sur le pont, il lui faudra bien croire que celui qui a construit le pont avait les compétences voulues et qu’il a utilisé des matériaux adéquats. Alors que ceux qui doutent de tout sont tenus de s’arrêter à chaque pas pour examiner ce qui se présente sans savoir si, après avoir douté longtemps, ils pourront sortir de ce doute qui les oppresse. Reconnaissons donc qu’il semble difficile de ne croire vraiment en rien sans douter de tout et vice et versa. Les incroyants, les incrédules, les dubitatifs, les défiants, les sceptiques et les perplexes forment une caste toxique et dangereuse pour tous les esprits primesautiers, fringants, alertes, délurés et surtout éclectiques que nous sommes. Tout aussi néfaste que la caste des pratiquants, missionnaires, catéchumènes, prosélytes et initiés qui voudraient nous faire croire à tout et à n’importe quoi.
En effet, moi qui, par exemple, aime à entrer dans les édifices religieux, grands ou petits, pour y admirer les œuvres d’art ou tout simplement pour ressentir l’esprit qui y souffle, je crains moins de me faire rembarrer ou rembarquer par les occupants légitimes des lieux que de me faire vilipender par les matérialistes de toutes espèces et cravacher par les impies de toutes farines. Car le fouet que brandissent ces intégristes est celui de la laïcité.
Mais alors, quelle est donc cette laïcité dont se gargarisent ces dévots du paganisme ? Une grande maison vide dont semblent sortir de temps en temps d’agnostiques gnomes brandissant ce fouet en pourchassant tout ce qui ne porte pas l’uniforme d’une laïcité qu’eux-mêmes, je veux dire ces gnomes, ne sauraient définir ? Car que l’on porte calotte, kipa, tchador, béret, casquette ou haut-de-forme, c’est toujours un galurin, un bada ou un couvre-chef. Et la laïcité, ce n’est tout de même pas le fait de se promener tête nue, que diable !... si j’ose parler ainsi.
D’une part, le mot « laïc » vient, à ce qu’il me semble, de la société chrétienne qui était divisée en clercs et en laïcs, ces derniers étant ceux qui n’avaient pas de charge de sacerdoce. Plus tard, au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en France, la laïcité est devenue le principe de cette séparation qui exclut l’existence d’une religion d’Etat. Ce qu’on pourrait considérer comme un retour aux sources puisqu’il est écrit de rendre à César ce qui est de César et à Dieu ce qui est à Dieu (Luc 20 : 25). Mais d’autre part, pour rester dans le cadre de la laïcité républicaine, la République existe donc indépendamment des religions et les religions coexistent dans le sein de la République au même titre que toutes autres croyances et convictions. Inutile donc de rajouter un intégrisme laïc à tous les autres intégrismes.
On voit par-là qu’il n’est pas simple de porter le chapeau.

jeudi 28 janvier 2016

Le cabot de Fortunio (82)

J’appelle François, je lui explique rapidement de quoi il retourne. Je le sens assez réticent mais il ne peut pas me refuser cela, il sait très bien qu’Eliane m’a déjà prêté sa caisse pour des opérations délicates. Nous passerons demain au garage prendre la nippone. Elle sera prête, m’assure-t-il.
Il y a, dans le bois des Copiaudes, un endroit particulièrement tranquille, une sorte de vaste dépression qui se termine par une falaise. Les premières maisons sont assez loin. On n’est pas en période de chasse, c’est plus prudent. Nous nous y rendons et René me fait un rapide cours de tir. Nous grillons une demi-douzaine de cartouches, c’est peu mais c’est déjà ça. Puis nous ne nous attardons pas. Nous passons chez moi déposer nos armes et reprendre le chien et c’est au tour de René de m’inviter au restaurant. Je lui fais connaître « La queue de poêle », la charmante Emma et les cailles de son chou. Puis, après avoir montré sa chambre à René, je me pieute à vingt heures pour récupérer de ma nuit blanche.
Le lendemain, nous sommes à neuf heures au garage Bonnefoi. François s’est absenté et il a laissé la consigne à son chef d’atelier, la petite voiture grise est au rendez-vous. Comme je compte bien squatter ce véhicule pendant quelque temps, nous revenons à Marmande et laissons la 2CV et la fourgonnette à la maison. Flèche est un peu surprise de changer de carrosse mais elle ne fait pas la difficile et intègre le coffre sans trop de difficultés.
Et nous voilà partis vers Paris.  En fin d’après-midi, nous retenons un hôtel à Gentilly avant d’aller faire un tour à Arcueil. Nous nous garons le long de la voie ferrée et rejoignons l’impasse Halphon-Sallait à pied. Je me suis trouvé une gapette et des lunettes de soleil au cas où je croiserais le Willy inopinément. A cette heure, le chantier qui m’avait servi de poste d’observation est désert et nous montons au deuxième étage. Le 18 semble calme, on ne voit rien, la fenêtre est fermée mais il y a de la lumière à l’intérieur, probablement une télévision. Nous restons une demi-heure sur place sans rien observer de plus.
Mon restaurant chinois est toujours là et nous faisons un sympathique repas après lequel nous retournons dans l’impasse, dans notre chantier d’observation.
Cette fois, il fait noir. Ils ont allumé la lumière. Le grand black Bak circule dans la pièce, on dirait qu’il fait la cuisine. Toutes les fenêtres du 18 ont les volets ouverts, une seule est éclairée. En se déplaçant un peu, on arrive à voir qu’un autre gonze est affalé sur un canapé et qu’il semble regarder la télé. Je regrette de ne pas avoir pris une paire de jumelles, on dirait qu’il y a du foot.
-          Ton Alouari regarde un match, non ? me souffle René.
-          On dirait mais on ne peut que supposer que c’est Alouari, bien sûr.
-          Bien, on fait quoi alors ?
-          On se barre, on va pas rester là toute la noche…

Nous revenons à notre petite nippone et, avant de rejoindre Gentilly, nous faisons faire une promenade à la chienne qui nous avait attendus patiemment.
(à suivre...)

dimanche 24 janvier 2016

Fond de cale




Louer une cabine sur un cargo et partir au loin
Importer et exporter des épices et des parfums
Lésiner sur les prix jamais sur l’amitié
Inviter les premiers venus au bistro
Arnaquer les derniers venus pour payer le bistro
Nier qu’il fait jour à midi et nuit à minuit
Eviter de se faire coincer par les archers du roi

Vivre n’importe comment mais comme une aventure
Insister sur les riens et négliger le tout
Espérer l’inespéré
Imiter l’inimitable
Laisser le temps s’écouler
Lâcher ce que l’on tient et tenir l’insaisissable
Errer au gré des désirs
Flâner sur les rives des espoirs puérils
Oublier l’essentiel et se rappeler l’accessoire
Négliger les riens pour insister sur le tout



© Pierre Jooris