Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. En
ces temps de fêtes de fin d’année, la spiritualité est mise à rude épreuve. En
effet, les traditions et le commerce ont fait des fêtes religieuses ce que les
marchands avaient, en leur temps, fait du temple, à savoir un grand bazar dont
le sens échappe à bon nombre d’entre nous. D’aucuns pensent que Jésus est né au
pied d’un sapin un jour où il neigeait à Bethléem et où les ours blancs couraient
dans les rues.
Peut-on ne croire en rien ou douter de
tout ? Et est-ce la même chose ? Disons qu’il est plus simple de ne
croire en rien car douter de tout demande une attention soutenue et de tous les
instants. Celle ou celui qui ne croit en rien peut se promener en batifolant,
humer le parfum d’une fleur en flânant, capter le sourire des passantes,
admirer rivières et ruisseaux sans chercher ni à comprendre ni à expliquer.
Mais s’il veut traverser la rivière et passer sur le pont, il lui faudra bien
croire que celui qui a construit le pont avait les compétences voulues et qu’il
a utilisé des matériaux adéquats. Alors que ceux qui doutent de tout sont tenus
de s’arrêter à chaque pas pour examiner ce qui se présente sans savoir si,
après avoir douté longtemps, ils pourront sortir de ce doute qui les oppresse.
Reconnaissons donc qu’il semble difficile de ne croire vraiment en rien sans
douter de tout et vice et versa. Les incroyants, les incrédules, les
dubitatifs, les défiants, les sceptiques et les perplexes forment une caste
toxique et dangereuse pour tous les esprits primesautiers, fringants, alertes, délurés
et surtout éclectiques que nous sommes. Tout aussi néfaste que la caste des
pratiquants, missionnaires, catéchumènes, prosélytes et initiés qui voudraient
nous faire croire à tout et à n’importe quoi.
En
effet, moi qui, par exemple, aime à entrer dans les édifices religieux, grands
ou petits, pour y admirer les œuvres d’art ou tout simplement pour ressentir l’esprit
qui y souffle, je crains moins de me faire rembarrer ou rembarquer par les
occupants légitimes des lieux que de me faire vilipender par les matérialistes
de toutes espèces et cravacher par les impies de toutes farines. Car le fouet
que brandissent ces intégristes est celui de la laïcité.
Mais
alors, quelle est donc cette laïcité dont se gargarisent ces dévots du
paganisme ? Une grande maison vide dont semblent sortir de temps en temps
d’agnostiques gnomes brandissant ce fouet en pourchassant tout ce qui ne porte
pas l’uniforme d’une laïcité qu’eux-mêmes, je veux dire ces gnomes, ne
sauraient définir ? Car que l’on porte calotte, kipa, tchador, béret,
casquette ou haut-de-forme, c’est toujours un galurin, un bada ou un couvre-chef.
Et la laïcité, ce n’est tout de même pas le fait de se promener tête nue, que
diable !... si j’ose parler ainsi.
D’une
part, le mot « laïc » vient, à ce qu’il me semble, de la société
chrétienne qui était divisée en clercs et en laïcs, ces derniers étant ceux qui
n’avaient pas de charge de sacerdoce. Plus tard, au moment de la séparation de
l’Eglise et de l’Etat, en France, la laïcité est devenue le principe de cette
séparation qui exclut l’existence d’une religion d’Etat. Ce qu’on pourrait
considérer comme un retour aux sources puisqu’il est écrit de rendre à César ce
qui est de César et à Dieu ce qui est à Dieu (Luc 20 : 25). Mais d’autre
part, pour rester dans le cadre de la laïcité républicaine, la République
existe donc indépendamment des religions et les religions coexistent dans le
sein de la République au même titre que toutes autres croyances et convictions.
Inutile donc de rajouter un intégrisme laïc à tous les autres intégrismes.
On
voit par-là qu’il n’est pas simple de porter le chapeau.