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jeudi 7 janvier 2016

Le cabot de Fortunio (79)

Je l’avais oublié, ce gars, on m’avait dit qu’il était entre la vie et la mort. Bon, Willy a l’air de penser qu’ils ont tué le gars. Je prends le train en marche :
-          Tu vois, dis-je, ça fait quand même deux morts. Je vais te dire une chose : c’est peut-être pas toi qui as tiré mais t’étais complice, mouillé jusqu’au cou. Si tu tombes entre les mains des flics, ça s’ra trop tard, je ne pourrai plus rien pour toi. Donc je vais te dire ce que tu vas faire : tu vas rester dans ton coin, fermer ta gueule et attendre que ça se tasse, tu dis rien à Latik, Bak ou Alouari, rien de rien. Je continue mon enquête, disons que si Latik daigne te filer ton fric, tu prends l’oseille et tu te casses. Moi, de mon côté, je dis rien sur toi à personne et avec un peu de chance tu pourras te ranger des voitures. Mais si tu me fais une entourloupe, je donne ton blaze aux flics de France et de Navarre et tu les auras aux trousses nuit et jour. Autant dire que tu te retrouveras en taule dans les meilleurs délais. Et si t’as pas un bon avocat, tu vas y traîner un bout de temps : complicité de meurtre, séquestration et tutti quanti, tu imagines… Alors, là, je vais te laisser un paquet de clopes par reconnaissance et un billet de cinquante par compassion. Et dans compassion, il y a…
-          Il y a con, je sais. J’ai bien compris, on se tient par la barbichette et tout ira bien…
-          Je te tiens par la barbichette, mon coco, dis-toi le bien et rappelle-toi le, mieux encore.
Sur ce, je lui claque le paquet de Pinston entier et un billet. Je me lève et me barre, je commence à saturer. De plus, mon chien m’attend dans la fourgonnette, ça ne me plaît pas trop de la laisser si longtemps comme cela. Je repars donc vers Tolbiac, Place d’Italie et Denfert et à chaque changement je fais attention à monter au dernier moment, manière de voir si mon copain Willy ne me suit pas. A franchement parler, m’est avis que le ouiskard l’a un peu endormi mais on ne sait jamais. Une fois à Arcueil, je retrouve ma Flèche et je l’emmène faire un tour le long de la voie ferrée. Puis je reviens à mon hôtel, je prends une douche froide, récupère ma valise et je remonte dans mon coursier. J’ai comme l’idée que j’en sais assez mais que je dois revenir aux sources. Et puis, rouler la nuit, on n’a pas dormi mais qu’importe, on se sent dominer la vie, le monde, l’univers, on est soi et pas un autre, on n’est de nulle part mais on revient chez soi, quoi de plus grisant, quoi de plus stimulant ?
J’arrive à la baraque à six heures et demie du mat’ et dans la cour, il y a une 2 CV bleue assez coquette ; à l’intérieur un gonze qui dort la bouche ouverte. Je m’arrête en douceur, le gonze en question, c’est René-la-Science. Il va falloir qu’il s’explique, le gonzier. Comme il continue à dormir, j’attrape un cruchon que je remplis gentiment d’eau et je le lui balance à la figure.
-          Connard, fils de pute, s’écrie le bonhomme en crachant et en éructant, c’est immoral ce que tu viens de faire.
-          Tiens, petites burnes, voilà un essuie, torche-toi le temps que je te prépare un jus de chaussette.
-          Ah, tu vois que tu sais parler aux femmes. Allons, il te sera beaucoup pardonné !
-          Là, t’as perdu une occasion de te taire. Va falloir que tu t’expliques, toi.
-          On va voir. T’aurais par hasard quelque chose à bouffer avec le caoua ? Je sais pas, du pain, un bout de frometon ou de la confiote ?

-          Et pique-assiette avec ça, le type. Tu voudrais pas aussi du gras foie, du caviar, des croissants, par hasard ? Allez, viens, on va te trouver ça.
(à suivre...)

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