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jeudi 14 janvier 2016

Le cabot de Fortunio (80)

Nous entrons, je prépare du café, je sors la miche de deux kilos (le pain agenais), du fromage, du saucisson, du beurre et de la confiture. Nous attaquons tout cela et, la bouche pleine, La-Science commence :
-          Je pensais bien que ton accueil risquait d’être un peu frais mais je n’imaginais pas que ce serait à ce point !
-          La-Science, ça m’a gonflé l’idée que tu étais passé et reparti. T’as pas jugé utile de me parler pendant des années et te voilà, la bouche en cœur comme si on s’était vus hier.
-          Et toi, mon coco Fortunio, t’es passé à Clézeau et tu t’es vite barré avant que j’arrive…
-          Allons, on reprend à zéro ou plutôt un point partout, la balle au centre. Qu’est-ce qui t’amène ici ?
-          Je suis SDF depuis quelques jours…
-          Te serais-tu fait virer… de chez toi ?
-          De chez moi, ce serait beaucoup dire. Il vaudrait mieux dire : de chez Magali. J’ai eu le malheur de m’absenter quelques jours et quand je suis rentré, j’ai trouvé porte de bois, serrure changée et une enveloppe contenant un billet pour récupérer un conteneur chez un loueur et la clé du conteneur. A bon entendeur salut… Magali a foutu toutes mes affaires dans le conteneur et, à tout prendre, c’est pas pire qu’en vrac sur la route !
-          Oh, dis-donc, c’est pas dans tes habitudes, ça ! Tu vieillis, mon vieux. Et t’as pas encore trouvé une autre gonzesse pour t’héberger ?
-          Peut-être que t’as raison, je perds la main. Donc, je me suis dit : mon vieux Fortunio va bien accepter de m’héberger pendant quelques jours. Qu’en penses-tu ?
-          C’est pas un hôtel ni le Samu Social ici, mon pote. Mais revenons un peu en arrière. La dernière fois qu’on s’est vus, t’étais avec Colette, après la mémorable soirée de Clézeau. Depuis, silence radio de la part de monsieur René-la-Science. Mets-moi un peu au parfum, quand même…
-          Bon, si tu as le temps, on peut y aller. Donc, tu savais que Magali et moi on vivait ensemble…
-          Oui, j’ai eu Colette au téléphone à cette époque-là.
-          Bon, je l’ai laissé tomber, d’accord, mais c’était elle qui m’avait poussé à l’infidélité et qui avait insisté pour que je quitte Françoise, au départ…
-          Sacrée comptabilité, tu t’y retrouves ?
-          Passons. Donc, je vivais des jours tranquilles avec Magali depuis quelques années. Mais, moi, tu me connais, c’est pas que je sois infidèle, c’est que je plais aux femmes. Et elles me font craquer. J’ai donc rencontré Josette, Josie pour les intimes. J’ai eu le tort de partir trois jours avec elle sur la Riviera, mais en toute discrétion. J’avais prétendu partir en formation. Mal m’en a pris, Magali a téléphoné au boulot et là on lui a dit que j’étais en congé. La faute à pas de chance, quoi.
-          Si Magali a appelé à ton boulot, c’est qu’elle se doutait de quelque chose…
-          Ouais, bon. Disons que l’atmosphère n’était plus au beau fixe à la maison. Toujours est-il que je me suis retrouvé à la rue et la première chose que j’ai eue, c’est de venir taper l’incruste chez toi. Une mauvaise idée, peut-être ?
-          La-Science, un instant. Dis-moi d’abord une chose : t’es en vacances ou quoi ?
-          Je dirais plutôt en disponibilité, en congé à durée indéterminée si tu veux…
-          Tu as démissionné ?

-          Pas tout à fait mais presque. J’ai besoin d’air…
(à suivre...)

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