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dimanche 15 mai 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (34) A lire ou à relire...



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Aujourd’hui, pour triompher, il faut n’être ni vainqueur ni vaincu mais une victime. Il n’est plus nécessaire de se battre pour triompher, il suffit de savoir se faire passer pour un réprouvé, gémir et se faire plaindre. Mais ne passe pas pour une victime qui veut, il faut savoir y mettre du charisme et de la conviction.
C’est ainsi qu’un de nos philosophes officiels, académicien de surcroit et de fraîche date, prenant son courage à deux mains et son épouse de l’autre, se rendit sans barguigner sur la place de la République à Paris, là où sévissait la Nuit Debout. Ainsi, tel Empédocle abandonnant sa sandale au bord du volcan, il se jeta dans la fournaise foutraque de la démocratie directe. Lui, l’ancien de mai 68, il n’ignorait pas ce qu’il trouverait dans ce brasier mais il s’y jeta à corps perdu. Ah, il fut digne des plus grands et ainsi que Cicéron dans sa litière tendant le cou au bourreau, tel Sénèque saignant au bord de sa baignoire et comme Paul Ricœur coiffé de sa poubelle, il subit les sarcasmes et les quolibets d’une foule ignare prête à le lyncher – médiatiquement s’entend -. C’est ce genre de foule qui eût fait libérer Barrabas qui le poursuivit de son abjecte haine et il but la coupe jusqu’à la lie, tel Socrate la cigüe. Ah, tout était consommé et notre éminent professeur s’en revint à pied comme il était venu. Non sans que quelques caméras bienveillantes ne récoltent ses impressions et ses états d’âme. Victime auto désignée, notre Danube de la pensée académicienne et décathlonien de l’intelligence connaissait enfin son apogée. Son front ceint d’une couronne d’épines symbolique il est devenu le bouc émissaire chargé de tous les péchés de ceux qui veulent libérer la parole pour mieux brouiller le message. On ne peut pas toujours jouer à l’académicien avec son épée, il faut parfois aussi charger sabre de bois au clair les tigres en papier. Bien sûr, les militants de Nuit Debout ne sont guère nombreux mais certains avaient l’impression de ne plus entendre qu’eux et ce ne fut pas la moindre frustration de notre polyathlète neuronal que de ne point encore en être le paria. Il fallait qu’il le soit, il le devint. Adoubé par ses pairs travaillant du bicorne, il lui manquait la reconnaissance de ceux qui travaillent du bonnet de nuit debout. Et que cela passe dans les médias pour que sa glorieuse honte soit connue de tous. Toutefois, pendant que le microcosme médiatico-philosophique gaucho-réactionnaire s’agite, les bouseux, les ouvriers et les employés, obscurs et sans-grades travaillent tout simplement. Il en faut bien pour payer les prébendes de ces illustres parias.

Cela ayant été dit, je lui ai dédié un poème que je vous lis :

Nuit debout ! République était noire de monde
Tous les débats fluaient ainsi que des ondes
Une démocratie, directe disaient-ils
Le pouvoir ne vivait plus que sur un seul fil
Les bourgeois à genoux, la police sur les dents
Toi Alain Finkielkraut tu te jetas dedans.
Ah ! Tu avais l’étoffe de nos plus fiers héros
Ah ! Tu es philosophe mais aussi le héraut
De cet ordre nouveau contre le vil chaos
Sans peur et sans reproche tu tenais le front haut
Les cameras sur place ont cru te voir craché
Affrontant le danger tu fus presque lynché.
Diogène en son tonneau, Finkie sous sa coupole
Ensuite retourna après cette nuit folle.
Finkielkraut ! Soleil dont je me fais le Memnon
Illustre paria toujours je crie ton nom.

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