Toulouse, on y arrive aux petites heures du
matin, pas plus frais que cela. François achète une miche de pain et on
débarque chez Tonton pour un breakfast toulousain. Il reste une dizaine de
tranches de rosbif froid, de la moutarde, un frontonnais rugueux et une moitié
de coulant baraqué chacun. De quoi restituer leurs facultés à deux bons gars
qui en ont bien besoin. Puis je récupère ma petite geisha turbocompressée au
garage et là c’est retour à Marmande pour midi. Personne au bercail mais je
constate que, au cas où, René avait préparé une blanquette citronnée comme il
faut. S’il espérait du reste pour ce soir, il va être déçu car toutes ces
péripéties m’ont creusé. Une fois la gamelle vide et torchée, la boutanche de
blanc sec de Duras épongée, je me pieute pour une sieste réparatrice.
Il est six heures quand je me réveille, on
est vendredi donc pas de quoi s’épouvanter, le week-end est là. René arrive
vers les sept heures et se marre en voyant la gamelle vide. Nous nous invitons
mutuellement chez Emma à Lamothe et, devant une poule au pot farcie, René
raconte qu’il joue à l’enquêteur privé, adjoint de Livron, chargé d’observer
les faits et gestes de la maison Sameli. D’après lui, il semble que la volaille
départementale acceptera de bouger en début de semaine et de faire une descente
domiciliaire chez les susnommés. Bien sûr, mon La-Science est un peu gêné aux
entournures de jouer le flic, lui qui serait plutôt du genre anar. Mais il se
fait qu’ils auraient un petit projet avec Raymond, à savoir de créer une agence
de renseignements, détectives privés quoi. René lancerait l’affaire et, si tout
va bien, Raymond envisage même de démissionner de la maison poulaga. Ça me la coupe un peu et il me faut une bonne part de tourtière pour me
remettre d’une telle émotion autant que pour attaquer ce que moi j’ai envie de
raconter : le rêve d’Eliane.
-
Mon pote, conclut René après avoir
entendu l’histoire, faut qu’y ait vraiment un sacré truc entre vous deux. Et je
vais te dire : l’autre jour, c’est comme si tu étais en-dehors de la vie,
ou en-dedans et en dehors, comme tu veux. Ton chien te sauve la vie, je te sers
de voiture-balai et de ramasse-miettes. Puis, tu ne veux pas m’écouter et il te
faut une voix d’outre-coma pour t’empêcher de faire une connerie, une vraie.
Car même si tu flingues une crapule, une sous-merde, les chats-fourrés te mettent
la patte dessus et tu passeras un siècle et demi à La Santé. Donc, il a fallu
qu’on se mette à trois, la chienne pour t’empêcher de te faire flinguer, Eliane
pour t’éviter la taule et moi pour te ramener l’artiche. En deux mots comme en
quatre, t’as le cul bordé de nouilles de nous avoir !
-
Bon, alors, tonton La-Science,
approche que je te fasse la bise, dis-je.
-
C’est bon, c’est bon, garde tes
bises pour Eliane, elle en aura besoin.
-
D’accord. Ensuite, je veux faire
quelque chose pour mon chien. On va aller voir Martine Grebier, histoire de lui
faire prendre l’air…
-
A Martine Grebier ?
-
Meuh non, sot ! Martine,
c’est l’ex-propriétaire du chien et même si elle s’en fout un peu, il faut
qu’elle sache ce qu’elle est devenue. Alors, demain matin on va à Verneuil, ça
va nous promener.
-
Oh et mon enquête, tu en fais
quoi ? Demain matin de bonne heure…
-
Bon, bon, tu reviens avant midi et
on y va en tout début d’aprème. Que je te présente la reine de la
tartiflette !
-
Bien, si tu veux. Mais si je ne
suis pas de retour à l’heure, surtout ne te gêne pas pour y aller sans moi.
(à suivre...)
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