II.
Le Gaby
Après ce généreux repas,
je repris la direction de la ferme de monsieur Valin, non sans que
René-la-Science m’eût prodigué ses conseils aussi éclairés que facétieux. Il tint
d’ailleurs à m’accompagner jusqu’au bois pour essayer de voir si la R5 était
déjà sur place. Ce qui était, bien entendu, le cas. Je fis donc seul le reste
du chemin et traversant la cour de la ferme, j’entendis mon Michel qui ouvrait
sa portière et me soufflait :
— Je suis là !
— Je me doute bien que
c’est toi et pas un autre, répondis-je rigolard.
— Et alors ?
— Sors ton beaujolpif, on
ne va pas discuter ici.
— Je viens, je viens,
j’espère que tu as de bonnes nouvelles ?
— Si elles étaient
bonnes, je me serais précipité pour te le dire et c’est parce qu’elles ne sont
pas bonnes que j’ai besoin de ton picrate, coupai-je.
L’autre sortit son cubi
et ses bougies de la voiture et me suivit dans la maison. On s’installa comme
la veille et, après nous avoir servi, Michel réattaqua :
— Et alors ?
— Hé, hé ! Zorro est
arrivé ! Plaisanté-je.
— Tu vas la cracher ta
valda, tu as vu Sylvie, oui ou non ?
— Oui, oui, je l’ai vue
et revue. Tu veux la réponse à toutes tes questions en bloc ou en détail ?
— En bloc et en détail,
mon con, et arrête de me faire languir.
— En bloc, c’est non. Et
en détail, c’est non, non et non.
— -Tu lui as dit que
c’était à prendre…
— Ou à laisser, oui et
cela l’a fait éclater de rire si tu veux savoir.
— Pauvre petite, elle ne
sait pas combien je l’aime…
Du coup, j’abandonnai
toute ironie. Il était tout de même touchant, ce Michel.
— Ecoute-moi, Michel.
Sylvie est mariée, elle a deux gamines, elle ne veut pas tout foutre en l’air,
lui dis-je.
— Et elle préfère rester
avec l’autre connaud ?
— L’autre connaud, comme
tu dis, est quand même le père des filles.
— D’accord, mais tu sais,
il y a tellement de gens qui divorcent, les enfants s’y font.
— Et puis, tu n’as
peut-être pas les reins trop solides. Une famille, il faut la faire vivre, mon
pote.
— Qu’est ce t’en sait,
t’as une femme et des enfants toi ? De quel droit tu me dis ça ?
— Dis donc, si j’ai bien
compris, toi t’es pas marié et t’a pas de gosses. Un point partout, la balle au
centre. Mais Sylvie, elle le sait, cela, elle.
— Cela quoi ?
— Cela qu’il faut du fric
pour faire manger, habiller et envoyer les gosses à l’école. Et pour vivre, que
sais-je, prendre du bon temps…
— Donc elle t’a dit quoi
à ce sujet ?
Le Michel, il comprend
peut-être vite, mais il lui faut le temps et moi j’ai comme envie d’aller
dormir. Il faut aller droit au but me dis-je.
— Elle m’a dit qu’il te
manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc. Autrement dit, elle t’aime
bien mais elle pense que tu ne serais pas capable d’assumer financièrement.
— Ah Sylvie ! Elle a le
porte-monnaie à la place du cœur, gémit-il et il se met à pleurer.
(à suivre...)
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