Là, franchement, je ne
m’attendais pas à cela, je m’attendrirais presque. Il doit draguer les nanas
avec les larmes, le Michel, c’est pas possible. Il doit les avoir à la pitié,
ou à l’usure.
— Voilà, je t’ai tout
dit, je ne pouvais pas faire plus, dis-je en espérant qu’il va se calmer et me
laisser aller dormir.
D’un coup, il se leva et
tapa du poing sur la table :
— Ça ne va pas se passer
comme ça ! D’accord, j’ai bien entendu, son gros mac a du fric et moi pas. Ok,
ok. Et si moi je me mettais à avoir du fric aussi ?
— Tu comptes gagner au
Loto ? Pour ça, faut d’abord jouer. Et après, gagner le gros lot. Et pour ça,
le Roger, il est mieux placé que toi. Je veux dire, pour la chance de cocu…
— Qui te parle de jouer ?
Le gros lot, je sais où il est, moi. Et tu vas m’aider à aller le chercher. Tu
ne bosseras pas pour rien, je te le promets !
— -Dis donc, avant que
les alouettes me tombent toutes rôties dans l’assiette, je voudrais bien aller
pioncer, moi, si tu le permets. Et toi aussi tu ferais bien d’aller dormir, je crois
que tu te mets à rêver tout éveillé.
— Tu ne me crois pas et
tu as tort. Je comprends bien que tu as sommeil, mais accorde-moi encore un peu
de temps. Je voudrais te raconter une histoire comme tu n’en as peut-être
jamais entendu, me dit-il avec un air mystérieux.
— Allez, je suis bon
public et j’adore les belles histoires. Ne sois pas trop long quand même. Je te
reprends un coup.
Michel prit le cubi et me
servit une bonne rasade de son gros rouge. Et il commença par une nécessaire
précaution oratoire :
— Je ne vais pas remonter
au déluge, mais presque. Enfin, à la libération, en 1944. Mais on y arrivera,
tu vas voir.
— Bon, je t’écoute,
dis-je en m’appuyant des deux coudes sur la table.
Michel changea une
bougie qui commençait à décliner et il se mit à me raconter que pendant la
guerre, des maquisards avaient une planque du côté de Clézeau, une sorte de
tunnel ou un souterrain. Après le débarquement, en 44, des divisions allemandes
ont été rappelées vers le Nord de la France. Mais en remontant, elles s’en sont
pris à tout ce qui ressemblait peu ou prou à de la résistance. De là les horreurs
d’Oradour, de Brive et d’ailleurs. Une division SS s’était fait accrocher du
côté de Villeneuve de Sciérac et quelqu’un leur avait dénoncé les maquisards de
Clézeau et leur cachette. Ces derniers, en les voyant arriver, avaient eu le
temps de faire sauter à la dynamite l’entrée du tunnel, mais ils avaient été
pris et fusillés tous les trente-deux qu’ils étaient. Tout le monde avait pensé
qu’ils avaient fait sauter l’entrée du tunnel pour que les SS ne trouvent pas leurs
armes. Et des résistants de la vingt-cinquième heure ont voulu savoir qui avait
dénoncé les maquisards. Peu de gens étaient au courant de la cachette, mais
quatre gamins avaient repéré les allées et venues et, cachés dans les fourrés, avaient
observé ce que faisaient les maquisards. Il y avait le Siméon Fauchet, le Marco
Carbiat, Jean Dugrain, dit le Pepito et Gabriel Hupart, dit le Gaby, ou aussi
parfois « le Tic ».
(à suivre...)
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