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jeudi 15 septembre 2016

René-la-Science (15)



Là, franchement, je ne m’attendais pas à cela, je m’attendrirais presque. Il doit draguer les nanas avec les larmes, le Michel, c’est pas possible. Il doit les avoir à la pitié, ou à l’usure.
— Voilà, je t’ai tout dit, je ne pouvais pas faire plus, dis-je en espérant qu’il va se calmer et me laisser aller dormir.
D’un coup, il se leva et tapa du poing sur la table :
— Ça ne va pas se passer comme ça ! D’accord, j’ai bien entendu, son gros mac a du fric et moi pas. Ok, ok. Et si moi je me mettais à avoir du fric aussi ?
— Tu comptes gagner au Loto ? Pour ça, faut d’abord jouer. Et après, gagner le gros lot. Et pour ça, le Roger, il est mieux placé que toi. Je veux dire, pour la chance de cocu…
— Qui te parle de jouer ? Le gros lot, je sais où il est, moi. Et tu vas m’aider à aller le chercher. Tu ne bosseras pas pour rien, je te le promets !
— -Dis donc, avant que les alouettes me tombent toutes rôties dans l’assiette, je voudrais bien aller pioncer, moi, si tu le permets. Et toi aussi tu ferais bien d’aller dormir, je crois que tu te mets à rêver tout éveillé.
— Tu ne me crois pas et tu as tort. Je comprends bien que tu as sommeil, mais accorde-moi encore un peu de temps. Je voudrais te raconter une histoire comme tu n’en as peut-être jamais entendu, me dit-il avec un air mystérieux.
— Allez, je suis bon public et j’adore les belles histoires. Ne sois pas trop long quand même. Je te reprends un coup.
Michel prit le cubi et me servit une bonne rasade de son gros rouge. Et il commença par une nécessaire précaution oratoire :
— Je ne vais pas remonter au déluge, mais presque. Enfin, à la libération, en 1944. Mais on y arrivera, tu vas voir.
— Bon, je t’écoute, dis-je en m’appuyant des deux coudes sur la table.
Michel changea une bougie qui commençait à décliner et il se mit à me raconter que pendant la guerre, des maquisards avaient une planque du côté de Clézeau, une sorte de tunnel ou un souterrain. Après le débarquement, en 44, des divisions allemandes ont été rappelées vers le Nord de la France. Mais en remontant, elles s’en sont pris à tout ce qui ressemblait peu ou prou à de la résistance. De là les horreurs d’Oradour, de Brive et d’ailleurs. Une division SS s’était fait accrocher du côté de Villeneuve de Sciérac et quelqu’un leur avait dénoncé les maquisards de Clézeau et leur cachette. Ces derniers, en les voyant arriver, avaient eu le temps de faire sauter à la dynamite l’entrée du tunnel, mais ils avaient été pris et fusillés tous les trente-deux qu’ils étaient. Tout le monde avait pensé qu’ils avaient fait sauter l’entrée du tunnel pour que les SS ne trouvent pas leurs armes. Et des résistants de la vingt-cinquième heure ont voulu savoir qui avait dénoncé les maquisards. Peu de gens étaient au courant de la cachette, mais quatre gamins avaient repéré les allées et venues et, cachés dans les fourrés, avaient observé ce que faisaient les maquisards. Il y avait le Siméon Fauchet, le Marco Carbiat, Jean Dugrain, dit le Pepito et Gabriel Hupart, dit le Gaby, ou aussi parfois « le Tic ». 
(à suivre...)

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