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jeudi 29 septembre 2016

René-la-Science (17)



Qu’importe, il s’endetta, il trouva même assez facilement de l’argent car il était considéré comme travailleur et fiable. Gaby ne put donc pas se lancer dans les travaux qu’il projetait de faire, à savoir le dégagement du tunnel. Car il voulait clôturer sa nouvelle propriété pour travailler à l’abri des regards indiscrets. Et pour rembourser l’emprunt, il fallait travailler. Et pour acheter des piquets et du grillage, il fallait encore de l’argent et travailler pour en gagner. Et, pendant la semaine, on voyait bosser le Gaby chez son patron. Le samedi après-midi et le dimanche il bricolait, ou il coupait du bois dans ses parcelles pour vendre du bois de chauffage, ou il enfonçait des piquets et tendait du grillage. Et puis, il avait mis quelques moutons pour justifier le fait d’enclore. Et il avait fait un petit abri pour ses moutons, la paille et le foin pour l’hiver. Et puis, il débroussaillait s’il lui restait encore un peu de temps, commençant à dégager discrètement l’entrée du souterrain. Et puis, il fit la connaissance d’Emeline, et puis ils durent se marier parce qu’elle était enceinte de Michel, et puis il fallut se trouver une maison pour tous les trois, payer le loyer, travailler, travailler, élever le petit Michel. Et les années passaient et le Gaby restait toujours avec son trésor enfoui. Il n’en avait même pas parlé à Emeline. Et un jour, Emeline proposa de vendre les bois du Gaby et de se trouver une petite maison bien à eux. Là, le Gaby vit rouge et il lui dit de ne plus jamais, jamais, jamais parler de cela. Les bois étaient à lui, il les avait durement gagnés et il ne les vendrait pas. Mais il pouvait faire une concession, il bâtirait une maison sur ses terres. Cela ne plaisait pas trop à Emeline, enfin ils auraient une maison, mais une maison dans les bois ! Emeline aurait nettement préféré une maison près d’un village. Et elle trouva un allié inattendu chez Henri de Montieu qui, voyant le Gaby commencer des travaux, les fit arrêter assez rapidement. Il est vrai que le Gaby était parti bille en tête, sans aucune autorisation administrative. Et ses terres étaient en dessous du château de Montieu-Sciérac. Henri de Montieu craignait de voir surgir une habitation sauvage qui aurait déparé le cadre autour du château. Et il eut gain de cause. Gaby dut arrêter ses travaux, il le fit sans trop faire de vagues pour rester dans la discrétion nécessaire à son grand’œuvre. Michel était arrivé à l’âge d’aller à l’école et Emeline se trouva un travail dans une petite fabrique qui s’était installée sur Clézeau. Le ménage se trouvait un peu plus à l’aise financièrement, ils achetèrent une petite maison délabrée sur la route de Clézeau au Blédard. Et de nouveau, Gaby se lança dans les travaux : la toiture, la cuisine, les chambres, la façade…
Et le temps passait et Gaby se rongeait de savoir que de l’or, son or, dormait sous terre, dans sa terre, à portée de ses mains.
Et le temps passait et Michel grandissait. Il aimait bien aller avec son père dans les bois du château de Montieu, « à Montieu » comme ils disaient. Il l’accompagnait chaque fois qu’il pouvait, pour soigner les moutons, réparer la clôture, aider à ranger le bois…
Et le temps passait et Gaby continuait de se crever au boulot. La maison était bien arrangée, mais il y avait toujours à faire, dedans, dehors, le jardin. Et le petit avait grandi, il fallait bien sûr qu’il aille à l’école, mais le soir en été, les samedis et les dimanches, pendant les congés, il marchait sur les traces du père pour qui le gamin était devenu une sorte de second lui-même. Et un jour d’avril, quand il commença à faire beau, que les journées commencèrent à s’allonger et que l’on put faire des belles journées dans une coupe de bois, le Gaby, au moment de finir le casse-croûte, regarda son fils avec un air important : « Mon fils, Michel, je sais qu’on peut te confier un secret. ». Michel eut le sentiment que le moment était grave, qu’il franchissait une étape de sa vie. « Mon fils, je vais te raconter mon histoire, mais tu dois savoir que tout cela doit rester entre nous. Si jamais tu causes de ce que je vais te dire, même à ta mère, même à ton meilleur copain, à qui que ce soit, je le saurai et je ne donne pas cher de toi, mon fils ». Michel fut tétanisé, autant par peur que par fierté. Il répondit en s’étranglant : « oui, Papa ». Alors, le Gaby se leva et il emmena Michel là où l’histoire avait commencé, là où ils étaient planqués avec le Pepito.
(à suivre...)

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