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dimanche 2 octobre 2016

Chronique de Serres et d’ailleurs II (2)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il y a beaucoup d’étrangers de par le monde. Et il y en a aussi chez nous. J’ai moi-même un peu voyagé et visité quelques pays abondamment peuplés d’étrangers. Mais ceux qui ont beaucoup voyagé relatent fréquemment cet état de fait, quelquefois sans s’en douter.
Il y a des pays où l’on rencontre un grand nombre d’étrangers, la Chine par exemple qui en compte plus d’un milliard. Sans compter les autochtones. Certains cumulent même les deux qualités. Et il ne faut pas les confondre avec les indigènes, eux-mêmes différents des allogènes. Il y a aussi des pays peuplés d’aborigènes, de nationaux et de natifs à ne pas confondre avec les allochtones. Il y a de multiples façons d’être étranger, certains se déguisent en métèques, d’autres en touristes, d’aucuns se font passer pour des immigrés quand ils sont chez nous et pour des émigrés quand ils y sont aussi. Comment bien identifier l’étranger ?
Ce qui particularise réellement l’étranger est en fait son étrangeté. Une étude récente faite en Suède a montré que les suédois considèrent pour majeure partie que les norvégiens sont  autant étrangers qu'étranges car ils ne savent ni faire la queue ni rouler correctement dans les ronds-points. En outre, ils se garent sur les places de parking réservées aux handicapés. Certes, on dit que les norvégiennes ont le sang chaud mais admettons que vus de Romorantin-Lanthenay ou de Rebirechiroulet, les norvégiens nous paraissent assez semblables aux suédois. Seuls leurs véhicules se distinguent par la plaque d’immatriculation. Les suédois tentent donc d’identifier le norvégien à ses actes comme l’arbre se reconnaît à ses fruits. Mais les natifs d’Oslo ou de Telemark ont-ils le monopole de l’étrangeté ? Ce que le norvégien peut faire, n’en serions-nous pas capables ? En y réfléchissant bien, j’en viens à penser que ce que nous savons si bien faire nous-mêmes (et quand je dis nous, suivez mon regard… !) avec une désarmante simplicité quand nous sommes dans notre pays paraîtra étrange à l’étranger chez qui nous nous sommes rendus afin de le bousculer dans sa queue nationale, de perturber sa circulation giratoire et d’occuper avec grâce ses places de parking réservées. La seule difficulté, mais elle est de taille, c’est que nous ne sommes pas étrangers. Qui donc nous reconnaitra ? Serons-nous obligés de nous travestir, de nous draper dans nos couleurs nationales comme des sportifs olympisés ?

Nombre de ces étrangers sont pourvus de langues dites, à juste titre, étrangères. Mais il y a aussi des langues vernaculaires qui cessent de l’être aussitôt qu’elles sont pratiquées par des étrangers, principalement à l’étranger. Elles ne sont pas pour autant des langues mortes, ce privilège étant généralement réservé à quelques langues embaumées par la science ou par la religion. Quant aux langues vésiculaires, nous les laisserons aux divers atrabilaires et constipés dont nos régions sont généreusement pourvues.
Les étrangers, de même que les autochtones et les indigènes, sont, pour leur part, bien vivants et c’est là le problème qui devrait nous préoccuper. En effet, par ces temps où notre démographie court au galop, il serait judicieux de réduire la place prise par les étrangers. Ce que suggère mon voisin taxidermiste, c’est de les naturaliser.
En effet, naturalisé par des méthodes rigoureuses, l’étranger peut être plus facilement empilé, classé et protégé contre les mites. On verra plus tard s’il y a lieu de naturaliser les nationaux.
Il ne restera plus que la question des langues étrangères qui n’auront pas eu la chance de mourir de mort naturelle. Elles deviendraient des langues mortes, par faute de locuteurs. Car l’étranger, sauf cas de mutisme, est généralement aussi un locuteur. Un locuteur de langue vernaculaire quand il est chez lui à l’étranger et un locuteur de langue étrangère dans un certain nombre d’autres cas. Mais l’étranger correctement naturalisé, comme le précise fort bien mon voisin taxidermiste, est dans la majeure partie des cas fort silencieux.
On voit par-là qu’un étranger naturalisé peut devenir moins encombrant.

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