Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il y a beaucoup d’étrangers de par le
monde. Et il y en a aussi chez nous. J’ai moi-même un peu voyagé et visité
quelques pays abondamment peuplés d’étrangers. Mais ceux qui ont beaucoup
voyagé relatent fréquemment cet état de fait, quelquefois sans s’en douter.
Il
y a des pays où l’on rencontre un grand nombre d’étrangers, la Chine par
exemple qui en compte plus d’un milliard. Sans compter les autochtones.
Certains cumulent même les deux qualités. Et il ne faut pas les confondre avec
les indigènes, eux-mêmes différents des allogènes. Il y a aussi des pays
peuplés d’aborigènes, de nationaux et de natifs à ne pas confondre avec les
allochtones. Il y a de multiples façons d’être étranger, certains se déguisent
en métèques, d’autres en touristes, d’aucuns se font passer pour des immigrés
quand ils sont chez nous et pour des émigrés quand ils y sont aussi. Comment
bien identifier l’étranger ?
Ce
qui particularise réellement l’étranger est en fait son étrangeté. Une étude
récente faite en Suède a montré que les suédois considèrent pour majeure partie
que les norvégiens sont autant étrangers qu'étranges car ils ne savent ni
faire la queue ni rouler correctement dans les ronds-points. En outre, ils se
garent sur les places de parking réservées aux handicapés. Certes, on dit que
les norvégiennes ont le sang chaud mais admettons que vus de
Romorantin-Lanthenay ou de Rebirechiroulet, les norvégiens nous paraissent
assez semblables aux suédois. Seuls leurs véhicules se distinguent par la
plaque d’immatriculation. Les suédois tentent donc d’identifier le norvégien à
ses actes comme l’arbre se reconnaît à ses fruits. Mais les natifs d’Oslo ou de
Telemark ont-ils le monopole de l’étrangeté ? Ce que le norvégien peut
faire, n’en serions-nous pas capables ? En y réfléchissant bien, j’en
viens à penser que ce que nous savons si bien faire nous-mêmes (et quand je dis
nous, suivez mon regard… !) avec une désarmante simplicité quand nous
sommes dans notre pays paraîtra étrange à l’étranger chez qui nous nous sommes
rendus afin de le bousculer dans sa queue nationale, de perturber sa
circulation giratoire et d’occuper avec grâce ses places de parking réservées.
La seule difficulté, mais elle est de taille, c’est que nous ne sommes pas
étrangers. Qui donc nous reconnaitra ? Serons-nous obligés de nous
travestir, de nous draper dans nos couleurs nationales comme des sportifs
olympisés ?
Nombre
de ces étrangers sont pourvus de langues dites, à juste titre, étrangères. Mais
il y a aussi des langues vernaculaires qui cessent de l’être aussitôt qu’elles
sont pratiquées par des étrangers, principalement à l’étranger. Elles ne sont
pas pour autant des langues mortes, ce privilège étant généralement réservé à
quelques langues embaumées par la science ou par la religion. Quant aux langues
vésiculaires, nous les laisserons aux divers atrabilaires et constipés dont nos
régions sont généreusement pourvues.
Les
étrangers, de même que les autochtones et les indigènes, sont, pour leur part,
bien vivants et c’est là le problème qui devrait nous préoccuper. En effet, par
ces temps où notre démographie court au galop, il serait judicieux de réduire
la place prise par les étrangers. Ce que suggère mon voisin taxidermiste, c’est
de les naturaliser.
En
effet, naturalisé par des méthodes rigoureuses, l’étranger peut être plus
facilement empilé, classé et protégé contre les mites. On verra plus tard s’il
y a lieu de naturaliser les nationaux.
Il
ne restera plus que la question des langues étrangères qui n’auront pas eu la
chance de mourir de mort naturelle. Elles deviendraient des langues mortes, par
faute de locuteurs. Car l’étranger, sauf cas de mutisme, est généralement aussi
un locuteur. Un locuteur de langue vernaculaire quand il est chez lui à
l’étranger et un locuteur de langue étrangère dans un certain nombre d’autres
cas. Mais l’étranger correctement naturalisé, comme le précise fort bien mon
voisin taxidermiste, est dans la majeure partie des cas fort silencieux.
On
voit par-là qu’un étranger naturalisé peut devenir moins encombrant.
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