III.
Le bois de Montieu
Pas d’inquiétude, le
lendemain à sept heures, mon René la Science vint voir si j’étais debout. C’est
qu’il travaillait ce jour-là et il voulait avoir des nouvelles fraîches avant d’aller
au boulot. Je lui fis donc un compte-rendu rapide mais assez complet, le temps
d’arriver à sa maison pour le petit déjeuner. Je lui recommandai encore la
discrétion la plus absolue, sans quoi, tintin, je ne lui dirai plus rien. Il se
marra et promit.
Colette me demanda si je
voulais venir manger à midi, je lui répondis que je serais occupé toute la
journée mais que j’aurais plaisir à les inviter ce soir au restaurant, à
Clézeau ou à Villeneuve. Je dus insister un peu, mais nous convînmes de nous
retrouver ce soir ici pour y aller ensemble. Et chacun partit qui vers ses
obligations, qui vers ses engagements…
*
Il y avait bien un
bistrot sur la place de Clézeau et il ouvrait même le lundi matin à huit
heures. Le bar en formica soutenait déjà deux tronches lumineuses, l’une fonctionnant
au muscadet et l’autre, plus sobre, trempant un croissant dans un
demi-mousseux. J’entrai, je saluai les deux éclairages matinaux et me posai à
une table. Le patron, en train d’essuyer des verres, leva le menton dans ma direction,
interrogateur.
— J’attends quelqu’un, il
va arriver, le rassuré-je.
— Si vous voulez lire le
journal en attendant, me dit-il en tendant une sorte de liasse.
Je me levai et pris le
paquet en remerciant. Le journal, c’était « La gazette des Causses ». Avec un
volumineux supplément sport le lundi, les inaugurations du week-end par les
députés auront tout le temps de passer le mardi ou le mercredi, le temps de
préparer la brosse à reluire. Le sport à lui seul rassemblait une belle
anthologie de titres dithyrambiques, une lecture roborative pour un lundi matin
avant de retrouver mon Michel.
Et le voilà qui arriva,
il vit que je n’ai rien commandé et commanda deux cafés.
— Salut, Michel, lui
dis-je.
— Salut, salut. Dis-donc,
excuse-moi, mais j’ai oublié de prendre de la monnaie, j’ai que mon carnet de
chèques, ça t’ennuieras pas de payer les cafés ?
— Voilà une semaine qui
commence mal, je me fais taxer dès huit heures du matin.
— Bon, mais je te le
revaudrai, y’a pas de problème, tu vas pas chicaner…
— J’en connais une qui
avait peut-être raison quand elle me disait qu’il te manque toujours dix-neuf
sous pour faire un franc.
— Tu parles de ça
ailleurs, si tu veux bien. Et tu vas pas m’attaquer comme ça dès potron-jacquet!
Se marra-t-il.
Le patron nous porta les
deux cafés, je payai et on se marra tous les deux.
— Le mieux, c’est que tu
laisses ton fourgon ici sur la place et je t’emmène dans ma bagnole, me dit
Michel.
— J’espère que je ne
risque rien dans ta voiture et que tu as fait le ménage depuis la dernière
partie de jambes en l’air…
— C’est bon, c’est bon,
tu plaisanteras tant que tu veux ailleurs, mais ici les murs ont des oreilles,
on ne sait jamais, dit Michel en vidant cul-sec son café.
Je finis tranquillement
le mien, un peu surpris de voir qu’il ne s’était pas ébouillanté la glotte et
je me dis qu’il avait hérité de son père, question idée fixe.
(à suivre...)
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