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jeudi 20 octobre 2016

René-la-Science (20)



III. Le bois de Montieu

Pas d’inquiétude, le lendemain à sept heures, mon René la Science vint voir si j’étais debout. C’est qu’il travaillait ce jour-là et il voulait avoir des nouvelles fraîches avant d’aller au boulot. Je lui fis donc un compte-rendu rapide mais assez complet, le temps d’arriver à sa maison pour le petit déjeuner. Je lui recommandai encore la discrétion la plus absolue, sans quoi, tintin, je ne lui dirai plus rien. Il se marra et promit.
Colette me demanda si je voulais venir manger à midi, je lui répondis que je serais occupé toute la journée mais que j’aurais plaisir à les inviter ce soir au restaurant, à Clézeau ou à Villeneuve. Je dus insister un peu, mais nous convînmes de nous retrouver ce soir ici pour y aller ensemble. Et chacun partit qui vers ses obligations, qui vers ses engagements…
*
Il y avait bien un bistrot sur la place de Clézeau et il ouvrait même le lundi matin à huit heures. Le bar en formica soutenait déjà deux tronches lumineuses, l’une fonctionnant au muscadet et l’autre, plus sobre, trempant un croissant dans un demi-mousseux. J’entrai, je saluai les deux éclairages matinaux et me posai à une table. Le patron, en train d’essuyer des verres, leva le menton dans ma direction, interrogateur.
— J’attends quelqu’un, il va arriver, le rassuré-je.
— Si vous voulez lire le journal en attendant, me dit-il en tendant une sorte de liasse.
Je me levai et pris le paquet en remerciant. Le journal, c’était « La gazette des Causses ». Avec un volumineux supplément sport le lundi, les inaugurations du week-end par les députés auront tout le temps de passer le mardi ou le mercredi, le temps de préparer la brosse à reluire. Le sport à lui seul rassemblait une belle anthologie de titres dithyrambiques, une lecture roborative pour un lundi matin avant de retrouver mon Michel.
Et le voilà qui arriva, il vit que je n’ai rien commandé et commanda deux cafés.
— Salut, Michel, lui dis-je.
— Salut, salut. Dis-donc, excuse-moi, mais j’ai oublié de prendre de la monnaie, j’ai que mon carnet de chèques, ça t’ennuieras pas de payer les cafés ?
— Voilà une semaine qui commence mal, je me fais taxer dès huit heures du matin.
— Bon, mais je te le revaudrai, y’a pas de problème, tu vas pas chicaner…
— J’en connais une qui avait peut-être raison quand elle me disait qu’il te manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc.
— Tu parles de ça ailleurs, si tu veux bien. Et tu vas pas m’attaquer comme ça dès potron-jacquet! Se marra-t-il.
Le patron nous porta les deux cafés, je payai et on se marra tous les deux.
— Le mieux, c’est que tu laisses ton fourgon ici sur la place et je t’emmène dans ma bagnole, me dit Michel.
— J’espère que je ne risque rien dans ta voiture et que tu as fait le ménage depuis la dernière partie de jambes en l’air…
— C’est bon, c’est bon, tu plaisanteras tant que tu veux ailleurs, mais ici les murs ont des oreilles, on ne sait jamais, dit Michel en vidant cul-sec son café.
Je finis tranquillement le mien, un peu surpris de voir qu’il ne s’était pas ébouillanté la glotte et je me dis qu’il avait hérité de son père, question idée fixe.
(à suivre...)

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