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dimanche 16 octobre 2016

Chronique de Serres et d’ailleurs II (4)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. J’aurais voulu, dès aujourd’hui, parler de l’air qui me semblait plus pur depuis la veille au soir mais on m’a conseillé de n’en rien faire. Parler de l’air pur pousse à lever le nez vers le ciel et les yeux aussi. Alors qu’il vaudrait mieux porter les yeux là où l’on marche car l’on risque encore de mettre le pied dedans. Nous nous poserons plutôt des questions sur les intervalles.
A l’école, quand la maîtresse disait : « Ernest a fait une clôture avec dix piquets distants de trois mètres. Quelle est la longueur de la clôture ? » Même s’il y avait toujours un bon élève pour donner la bonne réponse après un bref temps de réflexion, un grand nombre d’entre nous se précipitait pour répondre : « trente mètres, m’dame ». Et nous ignorions qu’au-delà de notre erreur la maîtresse nous posait une question térébrante, analogue au paradoxe d’Achille et de la tortue. En effet, Zénon d’Elée posait cette aporie : Achille et la tortue doivent parcourir le même chemin, et la tortue part la première. Au moment où Achille prend son départ il doit parcourir au moins le trajet déjà effectué par la tortue pour la rattraper ; mais arrivé à ce point la tortue aura eu le temps d’avancer d’une certaine longueur, et le problème se pose à nouveau dans les mêmes termes et ainsi de suite à l’infini.
En effet, deux piquets et un seul intervalle… trois piquets et deux intervalles (et non pas des interveaux sauf dans le cas où l’on décrit les espaces séparant de très jeunes bovins), quatre piquets et trois intervalles et ainsi de suite jusqu’à nous prouver que la clôture d’Ernest mesure vingt-sept mètres… Mais on constate que si dans le cas des deux piquets, les piquets sont deux fois plus nombreux que l’intervalle, ce rapport va décroissant alors que croît le nombre de piquets. Où va-t-on ainsi ? Le nombre d’intervalles croissant avec le nombre de piquets, se trouvera-t-il un jour où les intervalles auront rattrapé les piquets ? Admettons qu’un piquet trébuche et il se trouvera – qui sait ?- un jour où les intervalles dépasseront les piquets. En nombre, comme il se doit. Jusqu’à ce jour, les piquets ont tenu bon mais un accident est si vite arrivé.
De nos jours, la sécurité n’a jamais été aussi grande et il y a peu de chances pour qu’un tel accident survienne. Mais le calendrier maya, garant d’une certaine insécurité, aurait prévu la fin du monde au cas où les intervalles en auraient marre de leur statut d’éternels seconds et dépasseraient en nombre celui des piquets.
On voit par-là que plus la fin du monde approche, moins elle s’éloigne et que l’intervalle de temps qui nous en sépare devient de moins en moins grand au fur et à mesure qu’il s’amenuise.

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