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jeudi 22 septembre 2016

René-la-Science (16)


Et ce Gaby, qui avait alors douze ans, deviendra plus tard le père de Michel. C’est le Siméon qui avait prétendu que le Gaby avait dénoncé les maquisards. Du coup, les résistants tout frais avaient beau jeu de secouer le gamin, le Gaby. Ils lui avaient fait une telle frayeur que celui-ci avait été frappé de mutisme pendant plusieurs mois. Et ils avaient bien été obligés de relâcher le Gaby qui s’était pissé et chié dans le froc. Ils n’avaient pas supporté l’odeur. Le Gaby gardera une rancune tenace envers ses anciens compagnons mais pour tout le pays le soupçon avait toujours pesé sur lui. Seul, le Marco Carbiat considérait qu’il était peu probable qu’il ait fait cela car si les allemands l’avaient interrogé, disait-il, il en aurait encore eu plus peur et il aurait été déjà puant et muet quand les résistants l’avaient attrapé. Mais personne n’écoutait le Marco Carbiat. Ils étaient donc quatre à avoir épié les maquisards et un jour, alors que le Gaby et le Pepito n’étaient qu’à tous les deux dans les fourrés, les maquisards étaient arrivés avec un chargement de trois fortes cantines métalliques. Les deux gamins avaient surpris une discussion entre les hommes et entendu qu’il s’agissait d’un chargement en pièces d’or provenant d’une attaque de banque. Comme le répétait le Pepito à Gaby : « ils ont parlé de Napoléon et d’oignions latrines ». Les deux gamins s’étaient juré de garder le secret pour eux seuls, car ils se méfiaient du Siméon. Ensuite, tant que le Gaby était resté muet, le Pepito s’était bien gardé de parler de quoi que ce soit, il avait juré. Et s’il parlait de cela, on pourrait le soupçonner lui aussi. Mais le Gaby, ce qu’il avait dans la tête, il ne l’avait pas ailleurs. Il savait qu’il y avait de l’or dans le souterrain et, même s’il n’arrivait plus à parler, sa tête continuait à fonctionner. Il ne faisait plus confiance à personne. Même le Pepito qui avait essayé de lui parler une fois ou l’autre. Ils pensaient tous qu’il était devenu « pégot » ou « pégourlot ». Lorsqu’il eut l’impression que les choses s’étaient tassées, le Gaby se remit à parler, un peu, sans trop, mais il bégayait. C’est de là qu’il fut surnommé aussi le Tic. Le Pepito vint le trouver et lui parla de ce qu’ils avaient vus. « Tu tu, euh, tu, tuu, as mal entendu, c’était rien ce truc, je je sais sais rien là-dessus, lui répondit Gaby. » Le Pepito n’insista pas. Il savait que le Gaby, s’il recommençait à parler, n’arrivait plus à rien à l’école. Le Gaby fut envoyé en apprentissage chez un maçon et le Pepito se désintéressa de lui. D’autant que les filles commençaient à le tracasser. Le temps passa, les gamins grandirent, Ils firent leurs trois jours. Gaby fut réformé et les autres partirent qui d’un côté, qui de l’autre. Après son service, le Pepito trouva de l’embauche sur Rodez et s’y maria. De ce côté-là, Gaby se considérait comme tranquille. Quant au Marco, il avait gardé un peu le contact avec Gaby, mais sans plus. Pour ce qui était de Siméon, Gaby lui vouait une haine terrible. Il rêvait de le faire chier dans son froc comme cela lui était arrivé à lui-même. Mais il gardait sa haine sous le boisseau. La seule chose à laquelle il pensait, c’était cet or qui dormait dans le souterrain. Le Gaby mettait les bouchées doubles : chez son patron, il travaillait un maximum et il apprenait le métier, le dimanche il bricolait à droite et à gauche pour gagner quatre sous de plus. Et quand il pouvait, il retournait tirer des plans du côté du tunnel. Mais il fallait rester discret, il en savait quelque chose, le Gaby : il y a toujours des yeux qui traînent pour vous observer, des gamins, des chasseurs, des curieux. Enfin, le bon moment arriva : le tunnel était sur une terre appartenant au propriétaire du château de Montieu-Sciérac, une vieille famille de la région dont le descendant Henri de Montieu se trouvait dans la difficulté. Il souhaitait vendre des terres et avait vendu des bonnes parcelles agricoles à des fermiers riverains. Mais les parcelles boisées sur lesquelles entre autres débouchait le souterrain n’intéressaient personne. Le Gaby se porta acquéreur, il fallait acheter une quinzaine d’hectares de bois et taillis et, même à bas prix, la somme dépassait les moyens du Gaby.
(à suivre...)

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