Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Ma mère océane, c’est une Garonne chantait Claude Nougaro. La première fois que
j’ai entendu cette chanson, il était sept heures un matin d’août il y a
quelques 25 années, dans ma petite voiture en arrivant en haut de Castels à
Valence d’Agen. Devant moi s’étalait la plaine de Garonne se couvrant de vapeurs
au soleil levant, les formidables tours de Golfech et la petite cité sortant de
son sommeil. Le spectacle sonore tenait du hasard merveilleux. Je dus
m’arrêter, sortir de la voiture et sentir toute la vigueur du fleuve qui coule
des Pyrénées à Toulouse et s’étale vers Agen puis Bordeaux pour devenir Gironde
jusqu’à la Pointe de Grave. Le puissant fleuve y joue le bras de fer du
mascaret avec l’océan pendant les grandes marées. Il est renforcé par la
Dordogne qui l’alimente au Bec d’Ambès des eaux du Massif Central. Remontons le
et, à notre gauche, nous voyons confluer le Lot, si beau dans ses sinuosités
quercynoises puis à droite la Baïse si modeste qu’elle couvre son nom d’un joli
tréma, qu’elle soit Petite Baïse ou Baïse Devant comme à Lannemezan.
Je ne citerai pas tous ses affluents mais après
la Baïse, à notre droite qui est la gauche du fleuve, voilà le Gers sous Layrac,
dont a parlé Jacques Sadoul qui écrivait : « Entre les coteaux de F.,
les méandres du Gers et le village d’A., s’étend le domaine de R., celui-là
même où dès le haut Moyen Age se livrèrent, dit-on, tant de sacrilèges
sorcelleries. Dans le pays, on évite d’en parler, on se dérobe aux questions
des curieux. » Ce Gers mystérieux dont la vallée est si propice aux
maléfices du redoutable Lodaüs, personnage aussi fascinant qu’anagrammatique et
dont je parlerai, j’espère, bientôt.
Reprenons notre remontée de la Garonne avec, à
gauche, la Séoune, discrète elle aussi mais que je ne peux m’empêcher de citer
car son affluent l’Escorneboeuf remonte lui aussi une vallée
thaumaturgique avec Saint Maurin et son
céphalophore et, en remontant les petits affluents dont l’énigmatique ruisseau
du Furet, on arrive sur les herbages du chroniqueur par les canyons de
l’ombrageuse Gatte.
Mais foin de nostalgie ou de chauvinisme et
continuons à remonter le cours de notre mère océane : après la Barguelonne
et son mignon pont canal, voilà le Tarn avec son giboyeux plan d’eau et, en le
remontant lui-même un peu, on trouve un endroit unique au monde, un riverain me
l’a attesté : c’est bien le seul lieu au monde où l’Aveyron se jette dans
le Tarn. Nous laisserons ensuite le haut du cours de notre fleuve avec la Save,
le Touch, l’Ariège ou la Neste, cette Garonne qui, du Pont d’Aquitaine au
Pont-Neuf sera passée aussi sous le majestueux Pont Canal d’Agen et sous
l’aérienne passerelle qui relie Agen au Passage et où, certaines nuits, la jubilation
des amants emportés dans cette promenade romantique au-dessus des flots, les
met en accord avec la nature généreuse de la frayère d’aloses.
Les êtres humains, à l’instar de Vénus, sont
aussi nés de l’écume de la mer et c’est seulement en remontant le cours des
fleuves qu’ils ont pu découvrir puis s’approprier les terres : les
conquistadors sur l’Amazone ou l’Orénoque et ces explorateurs qui ont tant
cherché les sources du Nil. Sans oublier Stanley remontant le fleuve Congo,
retrouvant Livingstone et le saluant avec une urbanité toute britannique au
milieu des indigènes d’Afrique : « Dr Livingstone, I presume ? »
Toujours les grands fleuves furent les artères de
notre planète, tutoyant les mers et taquinant les océans, donnant à qui savait
leur parler la connaissance du monde intérieur.
On voit par-là que La Garonne n'a pas voulu, Lanturlu! Quitter le pays de
Gascogne.
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